Confident, confidente

Le confident et la confidente jouent un peu, dans notre ancienne tragédie, le rôle que le valet et la soubrette remplissaient dans la comédie, avec cette différence que ceux-ci sont étroitement liés à l’action, dans laquelle on les voit prendre parfois une place plus importante que leurs maîtres, tandis que les confidents ne constituent trop souvent que des rôles inutiles, qui l’alanguissent et la refroidissent par leurs réflexions et leurs sentences superflues. Chamfort a ainsi caractérisé la valeur scénique du confident : Les confidents, dans une tragédie, sont des personnages surabondant, simples témoins des sentiments et des dessins des acteurs principaux. Tout leur emploi est de s’effrayer ou de s’attendrir sur ce qu’on leur confie et ce qui arrive ; et à quelques discours près qu’ils sèment dans la pièce, plutôt pour laisser reprendre haleine aux héros que pour aucune autre utilité, ils n’ont pas plus de part à l’action que les spectateurs. Il suit de là qu’un grand nombre de confidents, dans une pièce, en suspend la marche et l’intérêt, et qu’il y jette par là beaucoup de froideur et d’ennui. Si, comme dans plusieurs stratégies, il y a quatre personnages agissants, et autant de confidents et de confidentes, il y aura la moitié des scènes en pure perte pour l’action, qui n’y sera remplacée que par des plaintes plus élégiaques que dramatiques : mais il ne faut rien confondre. Il y a des personnages qui sont, pour ainsi dire, demi-confidents et demi-acteurs. Tel est Phénix dans Andromaque, telle est Oenone dans Phèdre. Phénix par l’autorité de gouverneur, humilie Pyrrhus même en lui faisant sentir les illusions de son amour ; et par le ton imposant qu’il prend avec lui, il contribue beaucoup à l’effet de la scène entière. Oenone, par une tendresse aveugle de nourrice, dissuade Phèdre de se dérober au crime par la mort ; et quand ce crime est fait, elle prend sur elle d’en accuser Hippolyte ; ce qui, par l’importance de l’action, la fait devenir un personnage du premier ordre. Les confidents qui ne sont que des confidents, sont toujours des personnages froids, quoiqu’en bien des occasions il soit fort difficile au poète de s’en passer. Quand, par exemple, il faut instruire le spectateur des divers mouvements et des desseins d’un personnage ne peut ouvrir son cœur aux autres acteurs principaux, le confident alors remédie à l’inconvénient, et il sert de prétexte pour instruire le spectateur de ce qu’il faut sache. L’art consiste à construire la pièce de manière que ces confidents agissent un peu, et en leur mélangeant quelque passion personnelle qui influe sur les partis que prennent les acteurs dominants : hors de là, les scènes de confidence ne sont presque que des monologues déguisés, mais qui ne méritent pas toujours le reproche de lenteur, parce que le poète y peut déployer dans le personnage des sentiments ou vifs ou délicats, aussi intéressants que le cours de l’action même.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885


 

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