Comique (Du) au Théâtre

Du Comique au Théâtre

Une définition du comique au théâtre n’est point chose aisée à faire. J’en trouve une fort intéressante dans cette page de M. Artaud, et je m’en empare ; le lecteur n’aura pas à s’en plaindre :
Il n’y a pas de règle, dit cet écrivain, pour produire le comique ; il ne peut naître que d’une entière liberté d’imagination. Le poète, par un double procédé dont il a le secret, l’observe et l’idéalise. Le comique est semé dans le monde, il nous coudoie à chaque pas, mais il y est épars ; il faut que le poète le recueille et le mette en œuvre, qu’il combine dans une action et le concentre sur des personnages choisis ; il l’épure et l’élève à l’idéal ; même dans la caricature, il est possible de ne pas perdre le sentiment du beau : alors il produit le rire perfectionné, le rire comique, et cette œuvre devient la comédie.
La comédie est de toutes les œuvres poétiques celle où l’exhibition du ridicule est la plus abondante et la plus complète. Sa perfection, avons-nous dit, résulte d’un mélange de réalité et l’idéal ; c’est l’œuvre combinée de l’observation et de l’imagination. La tâche du poète est de concentrer sur un personnage individuel les ridicules qu’il observe dans le monde ; mais l’imitation libre intervient dans ce travail, et tout en retraçant les travers des hommes, tout en peignant avec une gaieté hardie les extravagances des fous, elle se maintient dans des régions supérieures d’où elle plane sur nos misères ; elle réveille en badinant le noble sentiment du vrai intellectuel, et , tout en égayant l’esprit par le spectacle de nos ridicules, elle fait luire à ses yeux quelques rayons de la loi morale. C’est ainsi que le spectateur, en contemplant des fictions qui pourtant ne sont pas sans réalité, entrevoit l’idéal sous ces légères caricatures de la vie.
On peut distinguer le comique de caractère, le comique de situation, et le comique de détails.
Le comique de caractère est celui sui s’attache à peindre et à développer un caractère principal ; il doit le montrer sous toutes ses faces, et dans toutes ses nuances ; il doit être fidèle à la nature et à la vérité. Il suppose beaucoup d’observation, la connaissance du cœur humain, l’expérience de la vie et du commerce des hommes ; il exige en outre beaucoup d’art dans la conduite de l’action, et le talent de coordonner tous les détails au caractère principal, sans sacrifier les personnages secondaires. Chaque caractère représente des classes d’individus ; c’est un vice, un travers général, dont il est comme le type ; et pourtant il doit avoir son individualité, sa physionomie originale. Tartuffe représente tous les faux dévots, cependant jamais poète a-t-il créé un être plus réel et plus vivant ?
Le comique de situation fait des hommes le jouet des événements ; il montre leurs plans et leurs projets divers aux prises les uns avec les autres, ou déjoués par les accidents du hasard. Un exemple du comique de situation est la scène où Harpagon, au moment de conclure un prêt usuraire avec un jeune dissipateur, se trouve en présence de son fils, qui reconnaît, dans son père, l’usurier dont il vient de maudire la rapacité. Les méprises en sont une source à peu près intarissable. Ainsi une des situations les plus fertiles en comique est celle où Regnard nous montre la fureur également risible de Ménechme le campagnard, qui croit que deux fripponnes veulent le duper, et d’Araminte avec sa suivante, qui se voient insultées et méprisées. Mais la perfection du comique consiste à mettre le caractère en contraste avec la situation ; c’est celui dont l’effet est le plus immanquable : par exemple, lorsque l’avare veut donner à dîner, rien n’est plus plaisant que de voir le combat qu’il se livre en lui-même, et la lésine qui retient un des cordons de sa bourse, qu’il voulait délier en vue de plaire à sa future.
Au comique de détails se rapportent la vivacité des reparties, le tour original, la manière plaisante d’envisager les choses ; il sème les mots piquants, il saisit des rapports inattendus entre les objets les plus éloignés. C’est dans les détails surtout qu’éclate la verve comique, cette vis comica que César regrettait dans Térence, et que Molière et Regnard ont souvent rencontrée. En matière de comique théâtral, il faut toujours en revenir à Molière, et à ses deux ancêtres Plaute et Térence. C’est ce qui donne toujours raison à la jolie épitaphe que la Fontaine fit pour son ami :

Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence,
Et cependant le seul Molière y gît.
Leurs trois talents ne formaient qu’un esprit,
Dont le bel art réjouissait la France.
Ils sont partis, et j’ai peu d’espérance
De les revoir, malgré tous nos efforts.
Pour un long terme, selon toute apparence,
Térence, et Plaute, et Molière sont morts.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885


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