Bohrer Antoine

musicien, violoniste

Troisième fils de Gaspard, naquit à Munich, en 1763 [1]. Il reçut de son père les premières leçons de musique, et étudia la composition sous le maître de chapelle François Danxi. Ayant fait un voyage à Paris avec Cannabich, il reçut des leçons de violon de R. Kreutzer. De retour dans sa patrie, il y fut nommé violon de l’orchestre de la cour, et peu de temps après il fit avec son père, un voyage en Autriche et en Bohême. L’année suivante, il partit avec son frère Maximilien, et visita la Suisse, une partie de la France, les villes de la confédération du Rhin, la Saxe, la Prusse, etc.

Les deux frères donnèrent des concerts dans toutes les grandes villes de ces divers pays, et partout ils obtinrent des applaudissements. De retour à Munich, ils se préparèrent à des excursions lointaines par des études d’ensemble qui ont été l’origine des succès qu’ils obtinrent ensuite. En 1810, ils entreprirent le grand voyage qu’ils méditaient depuis plusieurs années. Après avoir visité les grandes villes de l’Allemagne, ils se rendirent en Hollande, retournèrent ensuite en Allemagne, parcoururent la Hongrie, la Bohême, la Pologne et la Russie. Une maladie dont Antoine fut atteint à Kiew retint les deux frères dans cette ville pendant quatre mois. Ils visitèrent Moscou, d’où ils s’enfuirent à l’approche des Français ; mais ils furent arrêtés par un parti de Cosaques qui les conduisit chez le général Seblowsky. Ce général avait ordre de faire conduire en Sibérie tous les prisonniers allemands, et surtout les sujets du roi de Bavière, contre qui l’Empereur conservait beaucoup de ressentiment. Les deux artistes furent sauvés par leur talent. Amateur passionné de musique, le général Seblowsky ne put résister au plaisir que lui faisaient éprouver les frères Bohrer ; il leur accorda la liberté de se rendre à Pétersbourg ; et, pour les soustraire au danger du voyage, il les envoya en qualité de courriers du gouvernement. Après une année de séjour dans cette ville, ils parcoururent la Finlande, la Suède, le Danemark, et se rendirent à Hambourg, où ils s’embarquèrent pour Londres. Vers la fin de l’année 1814, ils retournèrent à Munich pour y visiter leur famille. L’année suivante, ils firent un nouveau voyage en France, et vinrent à Paris, où ils donnèrent des concerts dans lesquels ils firent entendre des fantaisies pour violon et violoncelle sans accompagnement, qui obtinrent le plus brillant succès, tant à cause de l’originalité des thèmes, que par l’ensemble parfait qui régnait dans l’exécution.
A la vérité, ce succès fut dû principalement au talent de Maximilien Bohrer ; le jeu d’Antoine, quoique agréablement fini, ne pouvait produire de vive sensation dans une ville où l’on a l’habitude d’entendre des violonistes du talent le plus remarquable. Antoine Bohrer tirait peu de son instrument, et son style, bien qu’élégant et gracieux, manquait d’élévation ; mais il secondait bien son frère dans les morceaux qu’ils jouaient ensemble. Ces morceaux sont tous composés par Antoine. Il a publié plusieurs œuvres de quatuors, de trios, de concertos, etc., pour le violon. Après avoir fait un deuxième voyage en Angleterre, les frères Bohrer revinrent à Paris et s’y firent entendre de nouveau aux concerts spirituels de la semaine sainte. Au mois de mai de la même année, ils se rendirent à Berlin, où Antoine obtint le titre de maître des concerts et Max celui de premier violoncelle de chambre. Un nouveau voyage fut entrepris par les deux frères en 1820 ; ils parcoururent tout l’Italie, donnèrent des concerts à Milan, Vérone, Rome, Naples, etc. et retournèrent à Berlin, en 1824. Des discussions s’étant élevées entre eux et Spontini, ils quittèrent le service du roi de Prusse dans l’année suivante. Antoine détermina son frère à l’accompagner à Munich par Hambourg. Arrivés dans la capitale de la Bavière, les deux frères y épousèrent deux pianistes distinguées, filles de Dülken, facteur d’instrument de la cour : Max devint le mari de l’aînée (Louise, née à Munich en 1805), et Fanny (née dans la même ville en 1807), devint l’épouse d’Antoine. Ces liens formèrent entre tous ces virtuoses une nouvelle association artistique dont on a depuis lors admiré les résultats à Paris. De retour dans cette ville en 1827, les frères Bohrer s’y firent entendre avec de nouveaux succès ; et après avoir fait quelques voyages de peu d’importance, ils donnèrent dans l’hiver des séances de quatuors et de quintettes dans les salons de Pape, où ils firent entendre, avec MM. Tilmant et Urhan, les derniers quatuors de Beethoven. Ces séances furent remarquables par la perfection de l’ensemble et la délicatesse des nuances.

La révolution de 1830, funeste aux artistes détermina les frères Bohrer à quitter Paris, et, pour la première fois, ils se séparèrent. Après avoir fait quelques voyages, Antoine a obtenu en 1834 le titre de maître de concert de la cour de Hanovre. Il est mort dans cette position en 1852. Sa fille Sophie, né à Munich, en 1828, eut un talent de pianiste très remarquable, et brilla avant même d’être sortie de l’enfance, à Paris, Vienne, Berlin et Pétersbourg. Elle se trouvait dans cette dernière ville en 1848, avec son père. Une mort prématurée est venue frappée cette jeune fille qui aurait pris un rang distingué parmi les artistes les plus célèbres, si elle eût vécu.

Les compositions de Bohrer sont très nombreuses ; elles se font remarquer en général par le goût et la pureté de style. Parmi ses ouvrages, on compte des symphonies concertantes pour violon et violoncelle, Paris, Pleyel ; quatre  concertos pour violon et orchestre, œuvres 9, 12, 17 et 37, Offenbach et Paris ; des quatuors pour deux violons, alto et basse, op. 23 ; des trios brillants pour deux violons et violoncelle, op. 12 ; six grands duos brillants pour violon et violoncelle ; un très grand nombre d’airs variés pour violon, avec accompagnement d’orchestre, de quatuor ou de piano ; des caprices ou études pour le violon ; des trios pour violoncelle, violon et alto, op. 14 et 15 ; et beaucoup d’autres œuvres de musique instrumentale. Antoine Bohrer a eu une grande part dans la composition des ouvrages pour le violoncelle qui portent le nom de son frère.

Fétis François-Joseph
Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, tome 1. Paris 1860-68


[1] On lit dans l’Encyclopédie musicale publiée par M. Schilling, que Max Bohrer naquit en 1790 et Antoine en 1791 ; c’est une double erreur ; car Antoine est l’ainé des deux frères. Quant aux dates de leurs naissances, je les ai prises dans le lexique des musiciens bavarois de Lipowsky.
Cet auteur écrivait à Munich en 1810 ; il était à la source des renseignements, et a dû être mieux informé. D’ailleurs, les dates qu’il indique coïncident mieux avec la réputation qu’avaient déjà acquise les frères Bohrer en 1801.
Gassner fait naître Antoine Bohrer en 1791, et Max en 1763


 

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