Automatisme ambulatoire

L’automatisme ambulatoire » de Philippe Tissié
Philippe Tissié travaille dans le service de Pitres à Bordeaux et rentre en concurrence avec le concept de « fugue [automatisme ambulatoire] épileptique » de la Pitié et du maître Charcot. Il écrit sa thèse en rapport au cas d’Albert Dadas et le reprend plusieurs fois pour ces recherches. Dadas « commence à fuguer vers l’âge de 12 ans, il continue en l’adolescence en France et en Algérie ; engagé dans l’armée, il déserte un première fois et visite Belgique, Pays-Bas, Allemagne, et Autriche. La deuxième il va plus loin en passant par Belgique, Prague, Berlin, Varsovie, Moscou, Turquie, Vienne, Suisse et finalement à l’intérieur de la France ». A cause de cette désertion il est condamné à trois ans de travaux publics en Algérie. Au retour, il habite à Bordeaux et se marie. Il est hospitalisé chez Pitres en 1886 d’où il fugue régulièrement. Ces crises sont précédées d’un malaise prémonitoire, « il est captivé par un nom de lieu et ensuite il vole un peu d’argent, et part inconscient. Puis il se réveille, quelques jours plus tard, amnésique, dans telle ou telle ville d’où il se fait ramener à Bordeaux ». Sous hypnose, on peut lui faire raconter ses voyages. Il était un jeun homme, bon travailleur, hostile à l’alcool, menant une vie calme et régulière, mais saisi parfois d’un besoin impérieux de partir. Il est très intéressant sa description des déclencheurs du voyage de Dadas : « Il y a d’abord des maux de tête que seule la déambulation parvient à calmer… plus il marchait vite, plus sa tête se rafraîchissait. L’autre facteur Tissié le découvre dans les rêves de Dadas, il rêvait souvent avec sa femme, une fois « il rêve qu’elle est avec un autre homme, aussitôt réveillé il part la chercher ». A chaque un de ses voyages il amène son livret de mariage. « Il est à ce moment dans un tel état d’exaltation post-onirique et de suggestibilité émotive qu’il lui suffit d’entendre le nom d’un lieu, d’une ville, pour s’y rendre. Et quand il y arrive, il ne sait plus pourquoi il est là, ni pourquoi il est parti. Il ne pouvait s’empêcher de partir quand le besoin l’en prenait ; alors saisi, captivé par un désir impérieux, il quittait famille, travail, habitudes et allait tout à coup devant lui, marchant vite, faisant 70 kilomètres à pied ». Pour Tissié, Dadas n’est pas un hystérique, il va créer une catégorie spéciale, celle des « captivés ». On lui critique très souvent le fait de trop se laisser captiver par le patient. Il le suit pas à pas, et lui consacre la moitié de sa thèse. Il devient le malade-vedette du service de Pitres et de Bordeaux. Pitres le désigne finalement comme hystérique. Dadas déménage à Paris en 1889 et son cas deviendra une sorte de « paradigme national des fugues hystériques ». Cette description s’éloigne clairement de celle de Foville, et on peut affirmer que Dadas n’était pas un voyageur pathologique, mais plutôt un névrosé, un « fugueur hystérique » et son cas s’approche de la définition actuelle des troubles dissociatifs. Le livre d’Hacking « les fous voyageurs » reprend longuement le travail de Tissié, il se demande pourquoi cette thèse développe un tel enthousiasme dans le milieu psychiatrique et l’épidémie des fugues que le succèdent et qui aurait duré, selon lui, vingt ans ; c’est une « maladie mentale transitoire ». Ce n’est certainement pas une épidémie dans le sens épidémiologique, c’était simplement une manifestation clinique qui a été décrite par Foville, déformé et reprise pendant trois décennies très fréquemment dans la littérature médicale, et qui va se redéfinir devant un concept nouveau, celui de Bleuler, la démence précoce devenue après schizophrénie.
Federico A. Carco, 2005


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