Art Japonais

Art japonais ensemble de vase

Le Japon a été pendant fort longtemps un pays fermé ; personne n’y pénétrait, il n’avait donc aucun rapport avec les autres nations du globe. A la fin du XVI° siècle et au commencement du XVII°, il fut un instant ouvert au commerce, puis tout à coup refermé, le mikado craignant pour son pays l’importation des idées européennes ; cependant les Hollandais possédèrent seuls un comptoir sur un point isolé de la côte : enfin depuis 1854, le Japon a établi de nouveaux rapports avec les autres peuples. Malgré ces communications, on ne connaît guère en France l’art japonais que depuis l’exposition universelle de 1878. Avant cette époque, à part quelques érudits et quelques amateurs, on ignorait totalement l’existence de cet art ; bien plus, les quelques hommes de goût qui recherchaient et collectionnaient les belles œuvres de ce pays étaient considérés comme des maniaques s’occupant de japonisme. Les temps ont bien changé ; en effet, l’exposition universelle de 1878 a démontré aux plus incrédules que non seulement il existait un art japonais, mais encore qu’il se trouve à la hauteur des arts des civilisations les plus avancées.

Evidemment, l’art japonais n’est point classique ; l’artiste du Japon a l’horreur de la symétrie : c’est la dissymétrie, au contraire, qui fait le charme des œuvres japonaises, et celle-ci ont bien leur style propre et leur couleur locale.
Les Japonais ne connaissent point les pendants identiques ; leurs vases, qu’ils soient en bronze ou en porcelaine, sont toujours variés comme dessins d’ornementation, bien qu’ils forment une seule et même paire de vases, qu’ils soient en bronze ou en porcelaine, sont toujours variés comme dessins d’ornementation, bien qu’ils forment une seule et même paire de vases. La forme et les proportions sont les mêmes, la décoration a bien aussi quelque analogie, mais elle est différente sur chaque vase. Du reste, dans toutes ses œuvres, l’artiste japonais sort des sentiers battus ; on dirait même que c’est chez lui un parti pris. S’il trace une courbe, même un cercle, les points de celui-ci ne sont pas également distants du centre ; s’il fait un carré, il en renfle légèrement les côtés ou bien il en abat les angles ; ou bien encore, si les côtés ne sont pas convexes, ils sont concaves. Les Japonais possèdent aussi d’autres qualités ; ainsi ils ne craignent pas de laisser en évidence la matière, quand même celle-ci serait des plus ordinaires : par exemple, des objets en bois sont décorés sur leurs tons naturels sans couleurs ni vernis colorés d’aucune sorte. Mais aussi, quand le laqueur emploie sa laque, comme il sait admirablement s’en servir  comme ses meubles sont brillants et leur glaçure unie et solide ! comme les ors mats sont pleins  avec quelle vertigineuse vitesse tourbillonnent les poussières d’or ou d’argent sur les laques ! combien les nacres incrustées dessinent de belles formes !

Une des grandes habiletés de l’artiste japonais consiste à se servir des défauts, des veines naturelles de la matière, pour les utiliser et les faire concourir à former, à façonner l’objet qu’il désire représenter. A l’exposition universelle de 1878, nous avons vu un superbe paravent laqué, incrusté de nacre dont les pièces taillées imitaient à s’y méprendre les pétales d’une fleur et les tiges de la plante : ces dernières étaient sarmenteuses et contournées, les pétales des fleurs étaient tout plissés, froissés, et semblaient sortir de leurs enveloppes. Les artistes japonais excellent en tout, quand il s’agit d’interpréter la nature et de la prendre sur le vif ; aucun peuple ne sait rendre comme eux et avec autant de vérité la fleur et la plante : celles qu’ils représentent sont bien des pavots, des nélumbos, des nénufars, des lotus et des papyrus ; mais le végétal créé par l’artiste paraît plus largement fait et plus beau que le produit naturel.
Parlerons-nous des faïences, des porcelaines et des émaux cloisonnés ? Dans ce genre, personne ne peut rivaliser avec le Japon, il faut voir ces objets, aucune plume, aucun crayon ne saurait en donner une idée, même imparfaite.

Art japonais vase à théTout ce qui sort de la main du Japonais, même les objets les plus simples, les plus usuels, les passe-thé, les corbeilles tressées en jonc, les petits cabinets, tout cela est maqué d’un cachet inimitable. Si nous étudions la couleur des œuvres japonaises, si nous parcourons leurs collections de papiers peints, si nous feuilletons leurs albums, nous sommes tout émerveillés et charmés à la fois de voir la simplicité des moyens employés en regard de la riche et puissante coloration obtenue. Ce qui fait la force et la valeur de l’artiste japonais, c’est sa grande manière d’interpréter librement la nature, c’est l’accentuation ferme des formes et de la personnification. Dans les compositions japonaises, l’homme est parfaitement caractérisé par un geste, par une simple attitude ; l’animal, par un mouvement ; tantôt c’est un reptile souple et ondulant, tantôt c’est une bête avec une attitude sauvage et un air de férocité abominable. L’oiseau se montre avec un vol rapide et gracieux, plein de souplesse et de naturel ; d’autres fois il fend l’air, rapide comme l’éclair, ou bien il s’abandonne mollement au courant qui l’entraîne. En ce qui concerne la plante, ce n’est pas seulement à sa forme que nous la reconnaissons, c’est à sa manière d’être, à la façon dont elle est campée dans une composition. La plante aquatique, nous la reconnaissons à son feuillage épais et luxuriant, ou bien à sa feuille au vernis étincelant, ou enfin à sa tige quelquefois raide et droite comme une lame de sabre, quand c’est un iris pseudo-narcissus par exemple ; la vigne sauvage, à ses vrilles et à la souplesse de ses feuilles rougies par les morsures des premiers frimas. Par ce qui précède, on voit que les caractères essentiels, primordiaux de l’art japonais sont l’imagination, la couleur, le style et l’infinie variété d’innombrables motifs toujours diversement reproduits, un sentiment profond de la couleur et des puissants effets que peut produire le contraste des couleurs. Avec tout cela, il n’est pas étonnant que les japonais possèdent un art admirable que nos industries d’art commencent à utiliser pour leur plus grand profit.

Nos figures montrent quelques bronzes du Japon : un vase ancien (fig. 479) ; un porte-bouquet (fig. 480) ; un vase à libations (fig. 481) ; un vase à thé (fig. 482).


Dictionnaire de l’art, de la curiosité et du bibelot
Ernest Bosc, Paris, Librairie de Firmin-Didot et Cie, 1883


 

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