Antigénide

Joueur de flûte né à Thèbes

Musicien, était de Thèbes en Béotie, où le jeu de la flûte était fort en honneur. Il eut pour maître son père Satyrus et le se perfectionna dans son art par les leçons que lui donna Philoxene, fameux poète musicien, dont il devint le joueur de flûte ordinaire, c’est-à-dire qu’il accompagnait sur cet instrument les airs de musique composés par Philocene sur ses propres poésies. Instruit par un tel maître, il mérita d’avoir des disciples du premier ordre, et de contribuer aux plaisirs des hommes les plus distingués de son temps.

Périclès, chargé de l’éducation d’Alcibiade son neveu, le mit entre les mains, d’Antigénide pour le flûte. Mais un incident, raconté par Aulu-Gelle, dégoûta bientôt l’écolier ; et cet incident lui fut commun avec Minerve même. Alcibiade ayant embouché la flûte et s’étant vu au miroir en cet état, fut si honteux de la difformité de son visage, qu’il jeta les flûtes et les mis en pièces ; ce qui décria beaucoup cet instruments parmi les Athéniens.
Ce fut Antigénide (selon Athénée) qui joua de la flûte aux noces d’Iphicrate, lorsque ce général Athénien épousa la fille de Cotys, roi de Thrace ; et Plutarque rapporte que, dans un repas, ce joueur de flûte exécutant sur  son instrument le nome ou l’air du Char, en présence d’Alexandre, il le mit tellement hors de lui, que, se jetant sur ses armes, peu s’en fallut que ce prince ne chargeât les convives, justifiant par-là cette chanson des Lacédémoniens, qui dit  Un bon joueur de cithare sait affronter le fer même.

Quelque bien établi que fût dans le public la réputation d’Antigénide, il ne se croyait point à couvert des mauvais succès, connaissant, comme il savait, l’inconstance et les travers de la multitude, dont il savait apprécier au juste les suffrages. Il tâchait d’inspirer à ses disciples les mêmes sentiments ; et ce fut dans cette vue que, pour consoler l’un d’entre eux, qui, quoique très habile, avoir été peu applaudi de l’auditoire, et pour l’engager à y reparaître avec toute la confiance nécessaire, il lui dit : Jouez pour moi et pour les Muses.

Antigénide était si persuadé du mauvais goût de la multitude, qu’un jour se trouvant à un spectacle, et entendant de loi le brouhaha du peuple, qui applaudissait à un joueur de flûte : il faut, dit-il, que ce soit quelque chose de bien mauvais ; autrement, le peuple serait moins prodigue de ses applaudissements. Athénée allègue ce bon mot, comme d’Asopodore de Phlionte, avouant néanmoins que d’autres le donnaient à Antigénide. Celui-ci disait que, pour mieux faire sentir à ses disciples la perfection de l’art qu’il leur enseignait, il ne trouvait point de meilleur expédient, que de leur faire entendre de mauvais joueurs de flûte. On assure qu’Isiménias en usait de même ; et qu’après avoir fait entendre un bon et un mauvais joueur de flûte, il leur disait, en parlant du premier  Voilà comme il faut jouer ; et en parlant du second  Voilà comme il ne faut pas jouer.
Antigénide introduisit dans la flûte plusieurs nouveautés. Il en multiplia les trous, et par conséquent les divers sons ; ce qui en rendit le jeu plus varié, plus flexible, plus délicat, et beaucoup plus susceptible d’agréments. Ce musicien avait grand besoin de flûtes qui puissent obéir aisément aux différentes inflexions des sons, puisqu’il jouait de cet instrument sur tous les modes, selon Apulée ; sur l’Eolien et l’Ionien, remarquables, l’un par sa simplicité, l’autre par sa variété ; sur le Lydien plaintif, sur le Phrygien consacré aux cérémonies religieuses et sur le Dorien convenable aux guerriers.

Ce musicien, distingué, comme il l’était, par le choix qu’il savait faire des meilleurs flûtes et par son habileté à les toucher, n’aimait point à être confondu avec ce qu’il y avait de médiocre ou de mauvais dans ce genre de profession ; et il ne pouvait souffrir que l’on honorât du nom de joueur de flûtes, ceux qui sonnaient du cornet aux enterrements. Les innovations d’Antigénide ne se bornèrent pas au jeu de la flûte ; elles s’étendirent aux ajustements du joueur ; et il fut le premier qui parut aux spectacles publics avec la chaussure Milésienne ; et qui, dans la comédie de Philoxène, intitulée Comastes, se couvrit du manteau appelé crocoton.

Dictionnaire des artistes ou Notice historique et raisonnée des architectes, peintres, graveurs, sculpteurs, musiciens, acteurs et danseurs. Ouvrage rédigé par M. l'Abbé de Fontenai. 1776


 

Imprimer

Association

Faire un don
Adhérer

Formation Médecine des arts-musique

Cursus Médecine des arts-musique