Andrevetan (Claude-François)

Andrevetan pris pour une espion

En dépit de ses 70 ans, Andrevetan, le sac au dos, quitte donc sa belle Savoie, et veut rejoindre du Nord, décidé à se faire admettre dans une ambulance. Il arrive à Nancy, et là, au café Stanislas, il est pris pour un espion :

Arrêté, puis mené devant le commissaire,
Par deux sergents suivis d’un public sanguinaire.
Du populaire, au seuil, sont consignés les gens,
Et seul au cabinet j’entre avec les sergents.
Au nom d’Andrevetan, l’officier de police
Au tympan de l’un d’eux souffle par l’orifice
Ces mots : « Républicain, hostile à l’Empereur ».

Puis se tournant vers moi, d’un ton acerbe humeur,
Me dit : « Retirez-vous ! nous savons qui vous êtes.
- Sur quoi, touchant ma vie, ont porté vos enquêtes ?
Je ne suis arrivé que d’hier à Nancy,
Et n’ai sur nul sujet ouvert la bouche ; si,
Pour convenir du prix à payer à mon hôte,
Commander mes repas et demander ma note.

- Je vous dis de sortir sans plus me répliquer ! »
Me répète l’agent de rage à suffoquer.

Rentré à son hôtel, l’excellent docteur est chassé par le garçon, qui l’appelle Prussien. Le lendemain, il rencontre une escouade d’officiers de santé qui se dirigeaient vers le Nord.

Le chef m’accueille bien ; puis, me toisant des yeux :
-    « Pour service si dut, je vous trouve bien vieux.
-    J’ai, tout vieux que je suis, le cœur chaud du jeune âge ;
Et pour me juger mieux attendez mon ouvrage.
-    Eh bien ! à la commune allons vous enrôler. »
Ignorant quel commis doit m’immatriculer,
Je chemine avec eux à l’hôtel de ville,
Heureux de la rencontre et l’esprit fort tranquille.
A mon nouvel aspect, l’enregistreur : « Encor
Ici, vous ! » d’une voix volant à tout essor,
« Qu’une troisième fois céans on vous ramène,
Je vous fais d’un cachot traîner la géhenne ! »
Ce que dit l’insolent, si j’avais répliqué,
Marouffle, de le faire il n’aurait pas manqué !
Je me résignai donc à garder le silence.

Devant de telles menaces, de tels dangers, Andrevetan se décide à retourner dans son cher La Roche. Il est à la gare, il va prendre le train. Tout à coup, il voit :

… Un homme obèse, épais, ventru en futaille,
Bousculé, tiraillé, frappé par la canaille,
Aux menaces de mort : « Prussien ! c’est un Prussien ! »
Il criait, le martyr : « Je suis Alsacien ! »
Il lui manquait le feu pour mourir holocauste.

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