Âme

Avoir de l'âme au théâtre

Avoir de l’âme, qualité supérieure dans tous les arts de sentiments et d’expression, faculté que rien ne saurait remplacer ! C’est le don démouvoir la foule, de lui arracher des larmes, de la tenir palpitante et comme suspendue aux accents de la voix qu’elle écoute. Et je dis bien : « c’est le don, « car on a vu des êtres durs et insensibles jusqu’à la cruauté posséder cette faculté merveilleuse d’émouvoir et de toucher leurs semblables, tandis que d’autres, beaucoup mieux doués personnellement au point de vue de la noblesse du cœur, étaient incapables de communiquer à leurs auditeurs des sentiments qu’ils étaient plus aptes à ressentir qu’à exprimer.
 

Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d ‘Arthur Pougin, 1885

 

Du latin anima
Principe de la vie ; ce qui sent, pense et veut.
L’art d’être vraiment tragique tient aux seules émotions de l’âme. Ce n’est que dans l’âme qu’on trouve les moyens d’entraînement, et en étudiant un rôle il faut toujours interroger son âme plutôt que son esprit. L’âme embellit tout ; elle a le privilège exclusif d’attirer à elle tous les cœurs, de les entraîner, de les subjuguer, et de leur faire croire et voir ce qu’elle veut.
Quiconque n’a pas l’âme élevée représente mal un héros. L’âme seule procure à l’organe l’énergie mâle et soutenue qui provoque, fixe et captive élèvent l’homme à une nature idéale, dans quelque rang que le sort l’ait placé. Comme l’a dit le docteur Alibert dans sa Physiologie des Passions, il y a toujours, dans le fond de notre âme, quelque chose de fier et de généreux, qui nous défend contre l’abjection, et qui nous fait tendre sans cesse vers l’agrandissement de notre destinée.

L’acteur qui ne sent point, qui n’a pas d’âme et qui voit des gestes dans les autres, croit les égaler au moins par des mouvements de bras, par des marches en avant et en arrière, par ces tours oisifs, enfin, toujours gauches au théâtre, qui refroidissent l’action et rendent l’acteur insupportable.

Jamais, dans ces automates fatigants, l’âme ne fait agir les mouvements, elle reste ensevelie dans un assoupissement profond : la routine et la mémoire sont les chevilles ouvrières de la machine qui agit et qui parle. Hume compare l’âme à un instrument à cordes dont les vibrations des cordes frappées continuent après peu à peu et d’une manière imperceptible ; par cette raison les tons qui suivent les premiers ne sont jamais bien purs, les nouvelles vibrations sont entendues avec les premières qui durent encore, et les tons se mêlent et se confondent.
Cette observation délicate de Hume pourrait fournir au chanteur et au comédien l’occasion d’un travail remarquable sur eux-mêmes. Quant à l’action de l’âme, on conçoit bien qu’elle ne saurait mouvoir à la façon du corps : mais l’effet de la force motrice du corps. Agir, c’est produire une action, un certain effet ; quand l’âme agit, il faut que l’effet existe hors d’elle ou sur son corps ; ce n’est pas sur la sensation même que l’âme agit, cette sensation n’étant que l’âme elle-même modifiée d’une certaine manière, c’est donc sur les fibres, dont le mouvement produit la sensation, que l’âme exerce son activité. Les mouvements de l’âme peuvent se concevoir sous l’image des directions que suivent les mouvements du corps : ou l’âme s’élève, ou elle s’abaisse, ou elle s’élance en avant, ou elle se replie sur elle-même, ou elle se contient et s’observe, ou elle se penche de tous côtés chancelante et irrésolue, ou elle bouillonne et se roule sur elle-même comme un globe de feu sur son axe.

1° Aux mouvements de l’âme qui s’élève, répondent les intonations de l’admiration, de l’exclamation, de l’enthousiasme, du ravissement, de l’invocation, de l’imprécation, des vœux ardents et passionnés de la révolte contre le vice, de l’horreur du crime et des défauts de notre nature.

2° Aux mouvements de l’âme qui s’abaisse, répondent les intonations plaintives, les supplications, celles des humbles prières, du découragement, du repentir, de tout ce qui implore grâce ou pitié.

3° Aux mouvements de l’âme qui s’élance en avant, répondent les intonations du désir impatient, de l’instance vive et redoublée, de l’interrogation, de l’apostrophe, du reproche, de la menace, de l’insulte, de la résolution et de l’audace, de tous les actes d’une volonté ferme et décidée.

4° Aux mouvements de l’âme qui se replie sur elle-même, répondent les intonations de la surprise mêlée d’horreur ou d’effroi, de la répugnance, de la honte, de l’épouvante, du remords, de tout ce qui réprime le penchant, renverse la résolution ou la volonté.

5° Aux mouvements de l’âme qui se contient, se modère et s’observe, répondent les intonations de la déférence, des égards, du respect, de la flatterie, de la complaisance, de l’hypocrisie, celles des allusions, des réticences, de l’ironie, de l’artifice et du manège.

6° Aux mouvements de l’âme qui déborde de toutes parts, répondent les intonations d’une joie excessive, d’un mécontentement extrême, de la colère qui éclate, d’une douleur violente qui ne se contient plus, d’une misanthropie universelle, d’une indignation qui n’est plus retenue, d’un désespoir affreux, d’un délire furieux.

7° Aux mouvements de l’âme qui hésite et se penche de tous côtés chancelante et irrésolue répondent les intonations du doute, de l’incertitude, de l’inquiétude, du balancement des idées et des sentiments, de la prudence qui combine ses moyens et qui en calcule les effets.

8° Aux mouvements de l’âme qui bouillonne et se roule sur elle-même, répondent les intonations de la rage concentrée, des projets de la vengeance, des desseins de la haine et de l’envie et des soupçons jaloux (Voyez Expression et Anatomie)

Encyclopédie de l'art dramatique / par C.-M.-Edmond Béquet - 1886


 

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