Allegrini

Musicien italien

Musicien italien, est compositeur de ce beau Miserere qu’on chante dans la chapelle du pape pendant la semaine sainte. Il n’y a aucune sorte d’instrument ; toute la musique y est vocale et produit cependant le plus grand effet. On y compte huit basses, huit tenors ou basse-tailles, huit hautes tailles et huit hautes contres : ce sont là les musiciens ordinaires pendant tout le temps de la semaine sainte, soutenus de trente-deux surnuméraires, qui remplacent ceux qui sont obligés de s’absenter. L’habit des chantres est une espèce d’uniforme pourpre : leurs honoraires sont moins que médiocres : ils ne sont point encouragés ; aussi cette musique décline-t-elle chaque jour. Quelques personnes croient qu’il est défendu, sous peine d’excommunication, de donner des copies de ce Miserere. Cependant M. Burney, auteur Anglais, dit dans son livre intitulé De l’état actuel de la Musique en France et en Italie, que le cardinal Albani, premier bibliothécaire du Vatican, et préfet de la chapelle du pape, pui permit, non seulement de prendre une copie du Miserere en question, mais encore de fouiller dans tous les manuscrits relatifs à la musique.

Ce même M. Burney donne des détails forts curieux sur les Conservatoire : nous sommes persuadés que nos lecteur seront charmés de les trouver ici. Tandis que ce voyageur était à Naples, il fit la connaissance avec Piccini, célèbre compositeur, d’autant plus en état de donner des instructions au sujet des Conservatoires, qu’il avait été élevé dans l’un de ces établissements. Cet habile musicien lui apprit donc que les Conservatoire étaient fort anciens, comme l’on peut en juger par l’un de ces édifices, qui était prêt à tomber de vétusté, qu’il y avait quatre-vingt-dix élèves dans l’un, cent ving dans un autre et deux cents dans un troisième, que, dans chacun d’eux, il y avait deux maîtres de chapelle, dont le premier corrige les compositions des élèves et le second leur donne des leçons de chant. Il y a des maîtres pour le violon, le violoncelle, le clavecin, je hautbois, le cor de chasse, etc. On y reçoit les garçons à huit et à dixans, et alors ils y restent huit ans ; mais, s’ils sont plus âgés lorsqu’ils de présentent, on les admet fort difficilement, à moins qu’ils n’aient fait des progrès très considérables dans la musique théorique et pratique. Ceux des élèves qui, après quelques temps de soins et d’instructions, ne montrent point de talents, sont renvoyés pour faire place à d’autres. Il y en a que les parents y mettent en pension, et qui payent les maîtres. On garde quelques-uns de ces élèves, quoique leurs cours soit fini et ceux-là instruisent les autres mais il peuvent sortir quand ils veulent.

M. Burney eut la curiosité d’aller voir le Conservatoire de S. Onofrio de Naples, et de visiter toutes les chambres où les élèves couchent, mangent et étudient. Sur le premier perron, dit-il, était un jeune élève qui soufflait de toutes ses forces dans une trompette ; sur le second, était un autre élève qui donnait du cor, il y avait sept ou huit joueurs de clavecin, un plus grand nombre de violons, et une troupe de chanteurs qui tous exécutaient en même temps des pièces différentes et sur différents clefs ; d’autrees écrivaient, composaient, chantaient, c’était un charivari des plus complets, encore même était-ce un jour de fête, et il manquait le plus grand nombre des élèves, qui sans cela, y auraient tous été, chacun chantant ou composant sa pièce de musique. Cet usage de les mettre tous ensemble est très bon. Il apprend aux élèves à n’être qu’à leur partie, et à acquérir une attention que rien ne peut distraire ; il leur donne encore de la force, attendu qu’au milieu de ce charivari, ils sont obligés de s’entendre. Il n’y a d’ailleurs qu’un inconvénient ; c’est qu’il ne parait pas possible que, dans cette cohue, ils puissent apprendre à jouer ou chanter avec goût. Les lits, qui sont placés dans la même salle, servent de pieds aux clavecins, ou clavicordes. Les violoncelles sont dans une autre chambre et les hautbois, les flutes et les autres instruments à vent, dans une troisième. Les trompettes et les cors de chasse sont relégués, ou sur l’escalier ou dans les greniers. En automne et pendant l’hiver, ils se lèvent deux heures avant le jour ; et ils sont toujours à l’exercice ou à l’étude, jusqu’aà huit heures du soir, à l’exception d’une heure et demie d’intervalle pour le diner, le souper et la récréation.

Il y avait dans ce Conservatoire huit jeunes Castrati (Castrat), qu’on faisait coucher au premier dans des chambres plus chaudes, de crainte que le froid ne leur fit perdre la voix qu’ils ont acquis à si grand prix. A l’occasion de ces malheureuses victimes, M. Burnez dit qu’il s’est informé, dans toute l’Italie, quel était le lieu où l’on pratiquait le plus fréquemment cette opération qui révolte si fort la nature ; mais qu’il n’a pu rien apprendre de bien positif à ce sujet. A Milan, on lui dit que c’était à Venise ; à Venise, que c’était à Bologne : dans cette ville, l’on prétendit que c’était à Florence ; les Florentins lui dirent que c’était à Rome, et à Rome, on lui apprit que ce n’était qu’à Naples que l’on pratiquait cette méthode infernale.  Cependant cette opération est absolument interdite dans les Conservatoires de Naples, et l’on croit que les jeunes gens qui l’on soufferte, sont allés communément des environs de Lucques.

Ce qu’il y a  de plus vrai, c’est que partout elle est rigoureusement proscrite par les lois, et que les Italiens en sont si honteux, qu’ils n’en conviennent nulle part. Mais, malgré leur honte et la sévérité des lois, elle n’en est pas moins d’usage presque également dans ces contrées, où l’on sacrifie au plaisir d’entendre des voix très souvent glapissantes, l’espoir des générations futures. Avant que d’en venir à cet acte de barbarie, on présente les enfants au Conservatoire ; et s’ils paraissent avoir reçu de la nature le don funeste de la voix, les parents les reprennent pour leur faire subir cette opération. La rigueur des lois est telle sur cet article, qu’elles prononcent la peine de mort contre l’opérateur ; et quiconque l’ai aidé, soit de fait, soit de quelque manière que ce puisse être, est excommunié, à moins, dit la loi, jusques-là si prudente, que ce ne soit à cause de maladie et du consentement du garçon opéré. On sent bien que l’un de ces prétextes ne manque jamais à l’opérateur, ni aux parents de la victime ; on séduit même si facilement les enfants, qu’il y en a qui, n’ayant aucune idée du mal qu’on leur prépare, demandent instamment à être opérés et le plus léger désir est, comme l’on s’en doute, rempli à l’instant même.

Du reste, Naples n’est pas la seule ville de l’Italie où il y ait des Conservatoires : on en trouve encore de très célèbres à Venise. Il serait à désirer que de pareils établissements se formassent dans tous les lieux où règne le goût de la musique, et où l’on désire de se procurer de bons musiciens.

Dictionnaire des artistes ou Notice historique et raisonnée des architectes, peintres, graveurs, sculpteurs, musiciens, acteurs et danseurs. Ouvrage rédigé par M. l'Abbé de Fontenai. 1776


 

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