Abailard et Éloise

Pièce dramatique

Abailard et Eloise

Pièce dramatique en 5 actes, en vers libres, par M. Guis, imprimée en 1752. Cette pièce ne fut jamais représentée, et ne pouvait guère l’être sans scandale ; car il n’y avait pas que les vers qui en fussent libres, le sujet et le dialogue ne se gênaient guère.
Chacun connaît les amours d’Héloïse et d’Abailard, et l’horrible catastrophe qui en fut la conséquence. C’est ce que M. Guis met bravement en scène.
Abailard est dans la maison du chanoine Fulbert, et s’est déjà déclaré à son écolière, qui répond à sa femme.
Malheureusement, la marquise, sœur de Fulbert, n’a pas vu le jeune professeur avec des yeux indifférents, et, après lui avoir fait des avances qui rappellent trop Mme Putiphar, elle lui dit carrément que le respect qu’il a pour elle l’offense, qu’elle est capable d’inspirer de l’amour et qu’elle en veut.
Abailard est assez bon garçon pour lui avouer alors sa liaison avec Héloïse. Grave imprudence, car la marquise, furieuse, n’a rien de plus pressé que d’aller raconter à Fulbert les amours du maître et de l’élève. L’ambitieux chanoine, qui devait marier sa nièce à un comte, ne voit pas avec plaisir ses projets entravés ; mais il concentre son ressentiment, et médite en silence la plus horrible vengeance qu’un homme puisse tirer d’un homme.
Il feint d’approuver l’union des deux jeunes gens ; mais Héloïse a comme un pressentiment ; elle éprouve une terreur secrète, que la vue de Frontin, le valet d’Abailard, accourant éperdu, n’est pas faite pour calmer. Frontin crie, se désole, et, cédant aux supplications d’Héloïse, il lui fait un récit dont il aurait bien voulu se dispenser.
Il lui raconte alors qu’il a vu Abailard et Fulbert entrer dans un appartement isolé, où il obtient déjà cachés deux hommes robustes, et de mauvaise mine, qui avaient à l’instant fermé toutes les issues.
La présence de ces hommes l’avait intrigué et effrayé, et il avait regardé parle trou de la serrure…

Mais laissons parler l’auteur :

_ … La scène alors change de face ;
_ On accourt, et de force on entraîne Abailard
_ Dans un réduit obscur, au fond de la terrasse.
_ Il parle, on l’interrompt ; il supplie, on menace.
_ Bientôt l’éloignement, la frayeur et la nuit.
_ La porte redoutable enfin à mes yeux s’ouvre.
_ Sur un triste sopha, quel objet se découvre ?
_ Abailard…

Éloise

Il est mort ! Dites-moi par quels coups.

Frontin

Il n’est pas mort pour lui, mais il est mort pour vous.

Éloise

Quel est donc ce mystère ? et que voulez-vous dire ?

Frontin

_ On a détruit en lui l’homme, sans le détruire ;
_ Enfin, pour vous parler sans fard,
_ Il est mort sans mourir, il est vivant sans vivre ;
_ Abailard n’est plus Abailard.
_ La douleur, les sanglots, m’empêchent de poursuivre.
_ Nérine, dans ces lieux, n’attendons rien de bon.
_ Essayons de sortir, au moins tels que nous sommes,
_ De cette maudite maison,
_ Où, l’on traite si mal les hommes.

L’infamie de Fulbert ne lui réussit point, car Hélène console Abailard dans une tirade d’une grande philosophie. Mes parents, dit-elle, se sont imaginé que j’étais le jouet de mes passions,

Et que, courant après un vain fantôme,
_ Mon cœur dans Abailard n’avait cherché qu’un homme.
_ Ils ont cru me punir en vous sacrifiant ;
_ Mais leur espérance est trompée ;
_ Par le plus faible endroit les cruels m’ont frappée ;
_ Sans m’ôter mon amour, ils m’ôtent mon amant :
_ Je ne suis point changée, et, lorsque je vous aime,
_ Dans vous, cher Abailard, je n’aime que vous-même.

On voit que l’élève a profité des leçons du maître. Malgré cela, Abailard veut se séparer d’Héloïse pour aller cacher sa honte dans un cloître ; il conseille à son amante d’en faire autant, et la pièce finit sur leurs adieux.

La pièce est extraite d'une histoire vraie du XII° siècle, voici la véritable histoire de Abélard et Héloïse :

"

Située pour moitié sur le territoire de Ferreux-Quincey et celui de Saint-Aubin, l'abbaye du Paraclet incarne dans l'Aube la plus grande histoire d'amour du Moyen Âge. Elle est, en effet, intimement liée aux amants tragique Héloïse et Abélard. En effet, après avoir été expulsée du couvent d'Argenteuil, c'est Héloïse qui prend la direction de l'abbaye du Paraclet fondé par Abélard en 1122. Mais avant de pouvoir finir sa vie au calme tout relatif de la vie religieuse, le couple maudit affronte de nombreuses épreuves. Leur histoire remonte à l'hiver 1117 durant lequel Fulbert, chanoine de Paris, propose à Abélard de se charger de l'éducation de sa nièce Héloïse contre le couvert et le logis. Le théoricien est alors à l'apogée de sa carrière de théologien. Une carrière mise à mal par l'irrésistible amour qui naît entre le maître et l'élève. En effet, depuis la réforme grégorienne, les clercs doivent être célibataires. De cet amour interdit, naît un petit garçon prénommé « Astrolab ». L'oncle Fulbert découvre le pot aux roses. Il dénonce le mariage secret des deux amants. Comme la punition ne devait pas être assez sévère au goût de Fulbert, il envoie des hommes de main pour punir Abélard. Celui-ci est alors émasculé. Le scandale met en émoi tout le royaume. Fulbert est suspendu de ses fonctions pendant deux ans. Héloïse prend le voile à Argenteuil, et Abélard se retire comme moine à l'abbaye de Saint-Denis.

Unis dans l'éternité

Abélard meurt le 21 avril 1142 au prieuré clunisien de Saint-Marcel près de Chalon-sur-Saône. À la demande d'Héloïse, le corps d'Abélard est transféré à l'abbaye du Paraclet. En 1164, lorsqu'elle décède à son tour, elle est enterrée à ses côtés. Le couple demeure au Paraclet jusqu'en 1792 au moment de l'expulsion des dernières religieuses. L'abbaye connaît alors le même sort que de nombreux autres bien dits « nationaux » : elle est démontée pierre par pierre pour être vendue comme matériaux de construction. Déjà, au cours des siècles, elle avait connu des destructions puis des reconstructions, notamment durant la guerre de Cent Ans. Ces multiples transformations font que les bâtiments restants n'ont plus beaucoup de rapport avec l'abbaye du XIe siècle. Depuis 1925, la chapelle et l'obélisque sont inscrits aux Monuments historiques. Quant aux façades et aux toitures de l'ancien bâtiment conventuel, ils sont inscrits depuis 1995."[L'est éclair26 Juillet 2013]


 

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