Abaco et Moina, pièce de théâtre - Médecine des arts

Pièce de théâtre

Tragédie en 5 actes, en vers, par M. de T…, représentée sur le Théâtre-Français de Saint-Pétersbourg, en 1790.

C’est un ouvrage assez bien conçu, écrit d’un style qui ne manque ni d’énergie ni de brillant, mais dont le sujet, emprunté à l’histoire des Incas, n’est ni assez intéressant, ni assez développé au point de vue scénique, pour lui faire mériter une place parmi les tragédies de second ordre. Il eut cependant un très grand succès en Russie ; mais on le connaît en France que par l’impression.
Il se rattache à la représentation de cette pièce une anecdote dont je ne garantis l’exactitude que d’après les Annales dramatiques. M. de T… était fataliste jusqu’à la superstition, et croyait peut-être plus aux proverbes de la sagesse des nations qu’à l’Évangile. Or, la veille de la première représentation de sa tragédie, sortant fort indécis de la répétition générale, il aperçût au moment de se coucher, une araignée qui se prélassait sur les rideaux de son lit.
Il en ressentit d’abord une vive joie, fort de l’adage : Araignée du soir, espoir.
Pour que l’événement annoncé par la présence du hideux animal fût réellement heureux, il fallait écraser le messager.

C’est une noire ingratitude, mais la sagesse des nations n’est pas scrupuleuse.
M. de T… se met donc en devoir d’approcher de son araignée, et, armée de sa pantoufle, il se prépare à lui faire passer un mauvais quart d’heure ; mais son trouble, sa précipitation, donnent l’éveil à son ennemie, qui lui échappe, et il a beau s’appliquer à la chercher ses efforts restent vains. Il finit par se coucher désespéré en s’écriant : « Ah ! ma pauvre tragédie ! C’en est fait ; elle tombe ; il n’y a plus de remède. »

Il passa des heures horribles, maugréant après sa maladresse, et se reprochant amèrement d’avoir eu le bonheur dans sa main et de n’avoir pas su le retenir.
Mais, comme la nuit porte conseil, il trouva un moyen pour empêcher sa pièce de tomber : c’était d’en suspendre la représentation, et il se dirigeait vers le théâtre pour la retirer, quand il rencontra un ami, qui l’en détourna en riant de sa superstition.
La pièce réussit, et l’histoire ajoute que ce succès ne guérit point l’auteur de ses préjugés de bonne femme.

Encyclopédie Théâtrale illustrée. Par un ancien journaliste, 1869


 

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