A-Propos

Pièces de théâtre inspirées par un événement récent

C’est la qualification que l’on donne à certaines pièces, généralement de courtes dimensions, qui sont inspirées par un événement récent et qui cherchent à satisfaire la curiosité publique mise en éveil par un grand fait politique, un crime monstrueux, le gain d’une bataille, une découverte intéressante ou tout autre incident, burlesque ou curieux, qui attire l’attention générale. Ce n’est pas aujourd’hui que le public se montre friand de pièces de ce genre. Dès 1662, les bonnes fortunes d’un laquais don Juan nommé Champagne, inspiraient à un auteur du nom de Bouchet une facétie intitulée Champagne coiffeur, qui fut jouée avec succès. En 1680, à l’époque où les médecins prescrivaient pour toutes sortes de maladies l’emploi du quinquina, la Comédie-Italienne représenta une petite pièce anonyme qui avait pour titre le Remède anglais ou Arlequin prince de Quinquina. L’année suivante, Paris ayant été mis tout en l’air par l’apparition d’une comète, Fontenelle donna à la Comédie-Française un à propos intitulé la Comète.

En 1683, la Comédie-Italienne offrit à son public une sorte de parodie intitulée Persée cuisinier, dont le héros était le fameux chanteur Dumény, qui venait d’obtenir un grand succès à l’Opéra dans le Persée de Lully, et, qui avant d’aborder victorieusement la scène, avait été cuisinier de M. de Foucault, intendant de Montauban, Le 24 octobre 1714, Dancourt donnait à la Comédie-Française une petite comédie intitulée le Vert-Galant, dont le souvenir n’était point consacré à Henri IV, comme on pourrait le croire, mais qui tirait son origine d’un fait divers qui amusait les Parisiens, et qui consistait en ceci qu’un teinturier ayant surpris sa femme en conversation amoureuse, avait fait saisir le galant et s’était donné la satisfaction de le teindre dans une de ses chaudières.

Enfin, parmi les à propos célèbres de ce temps (bien qu’on ne les qualifiât pas encore ainsi), il faut surtout citer une pièce en trois actes que Legrand fit jouer à la Comédie-Française sous le titre de Cartouche, et dont le Léris parle en ces termes : « C’est une de ses pièces qu’on doit regarder comme un vaudeville sur un événement nouveau et singulier : à la première représentation, le 21 octobre 1721, l’impatience fut si grande que les acteurs ne purent achever la première scène de la comédie d’Ésope à la cour qu’on devait jouer d’abord ; il fallut l’interrompre, et céder aux cris tumultueux du parterre qui demandait Cartouche.

Cette comédie avait été composée avant la prise de Cartouche, sous le titre des Voleurs ou de l’Homme imprenable ; mais elle ne fut pas jouée alors et dans cet état : celle-ci eut treize représentations, dont la dernière se fit le 11 novembre, et ce fameux voleur fut exécuté le 20 suivant. » A l’époque de la révolution, si fertile en incidents dramatiques, en faits intéressant la nation entière, les à-propos surgissaient de tous côtés, sur tous les théâtres, inspirés soit par l’assassinat des plénipotentiaires français à Rastadt, soit par le siège de Lille, soit par la prise de Toulon, soit par la mort héroïque du jeune Barra, soit par tout autre événement du même genre ; mais ils prenaient généralement alors le nom de fait historique. Depuis lors, il ne se passe guère de fait un peu saillant sans qu’il soit presque aussitôt porté sur nos théâtres à l’aide d’un ou de plusieurs à-propos.

Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d ‘Arthur Pougin, 1885.


 

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