Apprendre la musique, pour être plus fort en langue

Oreille musicale et apprentissage des langues

Les individus qui ont l’oreille musicale ont-ils de meilleure prédisposition que d’autres à l’apprentissage des langues ? Tentez de poser cette question à différents scientifiques et vous obtiendrez une palette de réponses : oui, assurément, répondent les uns, non, il n’existe aucun lien entre les deux, rétorquent les autres.

Oreille musicale et apprentissage

Depuis plusieurs années Mireille Besson, directrice de recherches à l’Institut des neurosciences physiologiques et cognitives du CNRS à Marseille, s’efforce de valider cette hypothèse. De fait, cette chercheuse pose le postulat de base que l’inné n’est pas seul en cause en matière d’apprentissage des langages. Ainsi, on ne naît pas nécessairement doué pour les langues, on le devient. A l’appui de cette assertion, son équipe a mené des expériences consistant à faire écouter à une femme enceinte un morceau de musique une demi-heure par jour. A l’aide d’enregistrements opérés par des appareils mangnéto-encéphalographie, il est apparu que le fœtus percevait les variations du champ magnétique intervenant sur le ventre de sa mère.
L’équipe de M. Besson a par ailleurs observé des différences de structure anatomiques entre le cerveau de musiciens (ayant connu un tel apprentissage avant l’âge de 10 ans) et celui des non-mélomanes. « La zone de représentation des doigts de la main gauche est plus importante par exemple chez les violonistes », rend compte la chercheuses. Des différences sont également observables au niveau du cortex auditif. La zone temporale du cerveau qui s’occupe de réception auditive développe chez les musiciens de formation une sensibilité supérieure aux sons. D’où l’hypothèse émise par la chercheuse, que cette sensibilité particulière leur confère une plus grande capacité à réceptionner d’autres types de sons, comme le langage.

1. Lobe frontal ; 2. Le bilinguisme renforce la densité de matière grise du cortex pariétal
inférieur gauche ; 3. Lobe pariétal ; 4. Lobe occipital ; 6. Cervelet ;
7. La sensibilité de la zone de réception auditive est accrue chez les musiciens ;
8. Lobe temporal.

Afin de vérifier cette hypothèse, une étude a été menée sur deux groupes de dix personnes, le premier étant composé de musiciens et l’autre de non-mélomanes. Une première expérience a mis en contact les deux groupes avec des petites phrases musicales, dont la mélodie a été modifiée dans un cas en augmentant une note d’un demi-ton et dans un autre cas d’un cinquième de ton. Il apparaît que les musiciens détectent naturellement mieux les variations faibles, tandis que l’ensemble du groupe est en mesure de détecter les violations les plus grossières de la mélodie. La même expérience a été menée ensuite à partir de phrases extraites de livres d’enfants, dont la prosodie a été modifiée en fin de phrase. Même conclusion : les musiciens adultes détectent deux fois plus que l’auditeur lambda les faibles variations de hauteur (l’un des paramètres acoustiques de la prosodie avec l’intensité et la durée). L’enregistrement en temps réel de l’activité du cerveau par l’encéphalogramme montre que des variations positives sont plus rapides chez les autres musiciens que chez les autres [1].
Mireille Besson a voulu savoir si ces résultats étaient comparables chez des enfants. Des expériences ont donc été menées l’été dernier auprès de Français âgés de 7 à 9 ans et ayant suivi la méthode Suzuki d’apprentissage de la musique depuis l’âge de 4 ans d’une part et de non musiciens d’autre part. Elles ont prouvé que les musiciens en herbe détectaient aussi bien que les adultes les déviations, tant au niveau des notes que des phrases. Cette détection intervient même, dans ce dernier cas, entre 200 et 400 millisecondes après le début du mot incriminé. « Cela montre que les musiciens sont capables d’analyser finement les propriétés des sons ; non seulement les sons musicaux, mais également les sons du langage », en conclut la chercheuse du CNRS.
Reste encore à valider cette hypothèse sur les langues étrangères. Un étudiant d’origine portugaise travaillant dans l’équipe de M. Besson s’est attelé à cette tâche. « Il semblerait que des sujets musiciens francophones détectent mieux les variations faibles de hauteur dans une langue étrangère qu’ils ignorent que les non-musiciens. » Un axe de recherche qu’il convient de creuser encore.
 La maîtrise parfaite de deux langues avant l’âge adulte entraine des modifications fonctionnelles du cerveau. Elle renforce en particulier la densité de matière grise au sein du cortex pariétal inférieur gauche. Tel est ce que montre une étude publiée récemment par la revue scientifique Nature (14 octobre 2004). Et plus cet apprentissage intervient tôt, plus la différence est flagrante entre bilingues et unilingues. Des chercheurs britanniques et italiens ont mené des études auprès de 25 adultes britanniques unilingues, 25 bilingues depuis leur plus jeune âge (avant 5 ans) et 33 bilingues ayant appris une seconde langue plus tard (entre l’âge de 10 et 15 ans), puis renouvelé l’expérience auprès d’Italiens maîtrisant ou non couramment l’anglais. Ce qui a permis d’identifier cette différence de matière grise entre ces trois types de populations. Et les scientifiques de conclure, plutôt qu’à une prédisposition génétique des langues, à un surcroît de matière grise, à une modification de la structure du cerveau induite par l’apprentissage d’une seconde langue. [2]

Docteur Arcier André, président fondateur de Médecine des arts®
Médecine des arts® est une marque déposée, Copyright médecine des arts©

Bibliographie

[1] Psychophysiology, n° 141, 2004
[2] Le Figaro, vendredi 7 janvier 2010


Médecine des Arts®    
  715 chemin du quart 82000 F-Montauban
  Tél. 05 63 20 08 09 Fax. 05 63 91 28 11
  E-mail : mda@medecine-des-arts.com
  site web : www.medecine-des-arts.com

 

Imprimer

Association

Faire un don
Adhérer