Piano : L’école française. Chapitre 6

Jean-Louis Adam, Marmontel, Marguerite Long, Cortot, Sacan

Création du Conservatoire National de Paris

En France, le piano s’apprend essentiellement à Paris, au sein de son Conservatoire National et nationaliste, puisque créé en 1795, sous la révolution par les Jacobins, les Franc-Maçons et l’armée. Pour constituer sa première équipe, le directeur Bernard Sarette s’entoure de clavecinistes récemment convertis au piano forte comme Louis et Hyacinthe Jadin. En 1797, avec l’arrivée de l’alsacien Jean-Louis Adam, se met en place la première méthode structurée pour le piano. Toute sa technique basée sur les doigts est très rapprochée de celle du clavecin.

Paris, Principal centre artistique européen

A partir de la Restauration, Paris devient le principal centre artistique européen. Tout ce que le vieux continent compte comme pianistes se retrouve dans la capitale française : Kalkbrenner, Thalberg, Herz, Chopin, Liszt et bien d’autres. On joue des pièces pour piano de Hummel, Herz, Moscheles et Kalkbrenner. Beethoven est pour ainsi dire inconnu avant que Liszt ne l’intègre dans ses récitals. Kalkbrenner est la coqueluche des Parisiens et Parisiennes. Il possède un style de jeu très français avec un buste et des bras immobiles. Au même moment, Crammer, ce grand pédagogue du piano, tente de se refaire une situation en créant sa propre école en banlieue, après avoir perdu tout son argent à Londres. Mais les Parisiens de cette époque trouvent que Cramer, avec son admiration pour Mozart, est totalement dépassé, tout comme sa méthode de piano à laquelle ils préfèrent celle de Bertini.
Au Conservatoire, Marmontel poursuit l’approche claveciniste et institutionnalise le toucher, la sonorité et l’attaque du bout des doigts qui caractérise le fameux "jeu perlé" à la française.

La tradition pianistique du jeu perlé

Cette obstination illustre le paradoxe de l’esprit français qui, après avoir rejeté l’ancien régime, aimerait bien en garder les saveurs. Pendant ses quarante ans de service, Marmontel formera des légions de pianistes dont Francis Planté, Louis Diémer et Marguerite Long. Ces deux derniers vont largement transmettre la tradition du "jeu perlé".
Quant à la belle sonorité du piano de Chopin, elle entre au conservatoire avec Georges Mathias, nommé professeur en 1862. L’école de Chopin qui voulait que l’on joue avec tout le bras, fait un peu figure d’intrus dans l’établissement. On ne sait pas dans quelle mesure Georges Mathias a défendu l’esprit du maître. Il est sûr qu’il a toujours insisté sur l’importance du chant et réfusé les exercices mécaniques. Parmi ses grands élèves, Isidore Philipp entre dans l’enseignement du piano comme on entre au séminaire. Sa rigueur et son intérêt pour la technique pure (il est le plus grand défenseur des exercices du dévot Charles-Louis Hanon) tendent à le rapprocher de Saint-Saëns plutôt que de Mathias.
Et c’est avec Cortot, justement, que l’hermétisme du piano français va éclater. En 1907, il reprend la classe de Pugno au Conservatoire et découvre sa vocation pour l’enseignement. Mais 12 ans plus tard, il créé une école rivale, l’École Normale de Musique dans laquelle il peut ouvrir les yeux et les oreilles de la nouvelle génération. On assiste avec lui au retour de la sensibilité romantique et de l’émotion musicale : on peut noter l’importance du rôle qu’il accorde à Chopin tant comme interprête que comme pédagogue. Le jeu devient aussi plus libre, d’un point de vue de la technique, et la sonorité gagne en richesse et en rondeur.

La technique naturelle du piano

Au sein du monde artistique, il fait figure de dissident mais son charisme et son sens de l’entreprise font de lui le grand maître du piano moderne. C’est Pierre Sancan, un de ses élèves, qui donne un dernier coup à ce qui pouvait encore subsister en matière de "jeu perlé" et développe la technique naturelle enseignée partout ailleurs en Europe. S’inspirant de la méthode russe de Youri Biltsin, il libère le jeu français de son carcan et met fin à la technique issue du clavecin dont la France aura mis 150 ans à se débarrasser.

Rédaction. Marc Papillon, Clinique du Musicien, Catherine Bros, professeur de piano.
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