Opéra et suicide

Les représentations des suicide à l'Opéra

L’opéra est né à Florence aux environs de 1600. L’Orfeo, favola in musica (fable en musique, 24 février 1607) de Monteverdi est considéré comme le premier opéra qui a connu le succès. Le genre va ensuite conquérir toute l’Europe. Environ 30 000 opéras ont été créés. Réservé à l’origine aux aristocrates, l’opéra est devenu assez rapidement un art populaire, reflétant l’évolution sociale des trois derniers siècles.

L’influence des représentations du suicide sur les comportements sociaux

Les représentations artistiques ont-elles une influence sur les comportements sociaux ? [1] L’influence de l’imagerie violente dans des jeux vidéo, des films, sur les comportements violents des enfants et des adolescents est souvent un sujet de débats et d’études scientifiques. L’opéra offre une dramaturgie où s’expriment les passions, les sentiments souvent portés à leur paroxysme. Le suicide est par exemple un acte souvent représenté dans les opéras. Des scientifiques australiens [2] ont étudiés 337 livrets d’opéra au cours des siècles, de 1607 à 2006 dans le but d’examiner la représentation du suicide, des tentatives de suicide et des idées suicidaires à travers les livrets d’opéra. [3] Ainsi, sur les 337 livrets examinés, 33 % d’entre eux représentent des scènes de suicide, de tentatives suicidaires, des pensées suicidaires.

 

Période Nombre d’opéras Suicides réussis Tentatives de suicide et pensées suicidaires Total
Opéra et suicide
1607-1706 13 3 (23%) 2 (15%) 5 (38%)
1706-1806 42 4 (10%) 15 (36%) 17 (40%)
1807-1906 141 40 (28%) 19 (13%) 55 (39 %)
1907-2006    141 27 (19%) 12 (9%) 35 (25%)
Ensemble 337 74 (22%) 48 (14%) 112 (33%)

La méthode la plus courante utilisée sur scène pour attenter à ses jours est le couteau, mais on retrouve des moyens variés (par ordre décroissant) l’empoisonnement, la noyade, la pendaison, l’asphyxie, l’immolation, les méthodes surnaturelles, la chute de hauteur, les blessures, le refus de traitement.

Les auteurs [2] de cette étude mettent l’accent sur certains paradoxes notamment par rapport au « genre ». Ainsi ce sont les sujets féminins qui se suicident le plus fréquemment (56 % des femmes), et ce sont les hommes qui majoritairement ont des pensées suicidaires, contrairement à ce que l’on retrouve dans la « vie réelle » où la mortalité par suicide est bien supérieure chez les hommes, alors que les femmes font bien plus de tentatives de suicides et ont bien plus d’idées suicidaires. De la même manière, si le couteau est sur les scènes lyriques le moyen le plus utilisé par les femmes pour se suicider, dans les situations réelles ce sont les hommes qui emploient les moyens les plus violents pour se suicider (arme à feu, pendaison). Les chercheurs pensent que la prépondérance de suicide chez la femme à l’opéra peut être en relation avec le genre ; les librettistes étaient du genre masculin et le suicide est dans leur esprit une manifestation de faiblesse qui est moins envisageable chez l’homme

Le suicide par imitation

Par ailleurs, sur l’ensemble des livrets, les causes suicidaires ne sont jamais sous-tendus à l’opéra par des troubles psychiatriques sous-jacents. Les situations de vie sont à l’origine des suicides à l’opéra : événements indésirables, situation de perte d’un être cher, d’une position sociale, etc. Pour Saxby A Pridmore et al. [2], la manière de considérer le suicide a évolué au cours du temps et ce n’est que récemment que les causes de suicide sont rattachées à des situations sociales et environnementales mais aussi à des troubles psychiatriques. Au-delà de ces statistiques, quel est l’impact des œuvres littéraires picturales, musicales ? Si elles ont des effets bénéfiques souvent commentées, des effets délétères existeraient-ils ? Il est moins commun de les évoquer. L’époque romantique avait mis en avant le suicide comme un moyen de s’extraire d’un monde cruel, de résoudre des problèmes sentimentaux. La publication des Souffrances du jeune Werther avait conduit à une vague de suicides importante, et on parlait alors de « suicides d’imitation ». Il y a à travers le monde plus de 20 000 représentations d’opéra et si l’impact des spectacles d’opéra est vraisemblablement plus modeste que le cinéma, il n’en est pas moins vrai que les auteurs de cette étude soulèvent le risque potentiel pour des sujets vulnérables et fragiles des spectacles d’opéra. [4]

Opéra effet Papageno

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’effet Papageno
Ces chercheurs relèvent également « l’effet Papageno ». Cet effet fait référence à l’opéra de Mozart, La flûte enchantée. Papageno, amoureux contrarié, a des pensées suicidaires et ce sont ses amis qui l’empêchent de se suicider. Ainsi l’opéra pourrait aussi donner des pistes de prévention du suicide, par le soutien de ses pairs, de ses amis.
Si être sensible à l’opéra, l’écouter avec ferveur majore le risque suicidaire et présente un véritable danger pour la santé publique, Médecine des arts serait rassurée que nous soyons de plus en plus nombreux à vivre dangereusement en nous rendant plus souvent à l’opéra !

Rédacteur Docteur Arcier, président fondateur de Médecine des arts®
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En savoir plus

Revue Médecine des arts, N°45. Quand le malade, la maladie et le médecin ont de la voix. Images de la pathologie dans l’opera

Bibliographie

[1] Niederkrotenthaler T, Voracek M, Herberth A, et al. Role of media reports in completed and prevented suicide : Werther v. Papageno effects. Br J Psychiatry 2010 ; 197 : 234-243.
[2] Saxby A Pridmore, Stephane Auchinclos, Nerlssa L. Soh, Garry J Walter. Four centuries of suicide in opera. MJA 199 (11) • 16 December 2013
[3] Boyden M. The rough guide to opera. London : Rough Guides, 2007. Forman D. The good opera guide. London : Phoenix Press, 2001.
[4] Phillips DP. The influence of suggestion on suicide : substantive and theoretical implications of the Werther Effect. Am Sociol Rev 1974 ; 39 : 340-354.


 

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