Vers

Dans les commencements de notre théâtre, le public ne voulait admettre que les pièces en vers, au moins pour les ouvrages importants. Molière en fit à ses dépens l’expérience, et il pensa voir sombrer l’un après l’autre Don Juan et l’Avare pour les avoir écrits en prose. C’est son exemple qui amena un changement dans les coutumes, et qui fit enfin tolérer la prose (Voyez ce mot). 
Il n’est pas besoin de dire que le répertoire de notre grande scène littéraire comprend, depuis deux siècles et demi, c’est-à-dire depuis Corneille et Rotrou, un grand nombre de pièces en vers. Pour une immense partie, ces ouvrages sont écrits en alexandrins, et aujourd’hui ce vers est le seul qui soit usité au théâtre. Mais au dix-septième et au dix-huitième siècle, la coupe de l’alexandrin n’était pas la seul employée ; certaines pièces étaient en vers de dix syllabes, entre autres l’Amour Victorieux, de Hardy (1618), Aristène, de Troterel (1626), Licoris, de Basire (1631), l'Enfant prodigue (1736), Nanine (1749) et l’Écueil du sage, de Voltaire (1762), les Méprises, de Palissot (1762), etc. On avait aussi, surtout au seizième et au dix-septième siècle, d’assez nombreuses pièces en vers de huit syllabes, témoin Eugène ou la Rencontre, de Jodelle (1552), les Esbaïs, de Jacques Grévin (1560), le Muet insensé, de Leloyer (1579), les Écoliers, de François Perron (1589), la Chaste Bergère, de La Roque (1609), Gillette, de Troterel (1619), le Sourd, de Desmarets (1639), le Mariage de rien, de Montfleury (1660), le Cartel de Guillot ou le Combat ridicule, de Chevalier (1660), Lubin ou le Sot vengé, de Raymond Poisson (1661), les Galans ridicules, de Chevalier (1662), Colin-Maillard, de Chappuzeau (1662), Champagne coiffeur, de Boucher (1662), la Désolation des filous, de Chevalier (1662), le Duel fantasque ou les valets rivaux, de Rosimond (1668). Puis on avait (et c’étaient les plus nombreuses) les pièces vers libres qui se jouaient aussi bien à la Comédie-Italienne qu’à la Comédie-Française, et parmi lesquelles il faut compter, outre l’Amphitryon de Molière, Phaélon, de Boursault, la Métempsycose des amours et Céphale et Proscris, de Dancourt, le Roi de Cocagne, de Legrand, le Retour de Mars, de Lanoue, les Mécontens, de la Bruère, la Critique, le Badinages, les Etrennes, les Éillets doux, le Je ne sais quoi, les Talents à la mode, la Fête d’Auteuil, la Folie du jour et la Frivolité, de Boissy, l’Hiver, de d’Allainval, Amour pour amour, le Rival de lui-même, l’École des mères et l’Amour castillan, de La Chaussée, le Billet perdu, de Desmahis, l’École amoureuse, de Bret, la Fermière, de Fagan, les Lacédèmoniennes, de Mailhol, l’Impromptu de Thalie, de Sedaine, l’Orpheline léguée, de Saurin, Dupuis et Desronais, de Collé, et bien d’autres dont les titres ne sauraient trouver place ici. Quelques-uns des poèmes de nos anciens opéra-comiques étaient écrits aussi en vers libres, et cette forme poétique leste et pimpante, pleine de grâce surtout lorsqu’elle était traitée par un écrivain tel que Favart, s’avoisinait merveilleusement avec la musique. De nos jours, un librettiste fort distingué, Th. Sauvage, a fait revivre avec bonheur le vers libre dans l’opéra-comique, et l’on peut voir avec le Caïd, Gille ravisseur, le Toréador, s’il a su y réussir.

Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885


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