Un musicien professionnel poursuit son employeur pour traumatisme auditif

Hyperacousie et maladie professionnelle ?

Hyperacousie chez un musicien« Les troubles auditifs en relation avec la pratique musicale sont un problème majeur du musicien », dit Morris Stemp, représentant syndical des musiciens anglais. Si la perte auditive des musiciens est bien documentée chez les musiciens de musiques actuelles (rock, etc.), elle l’est peut-être moins pour les musiciens des ensembles symphoniques.

Il y a quelques années Pete Townshend des Who avait évoqué publiquement ses problèmes auditifs et avait ajouté de manière humoristique que son médecin lui avait dit : « Vous n’êtes pas sourd, mais vous auriez intérêt à apprendre à lire sur les lèvres ». Plus récemment, Brian Johnson d'AC / DC et Ozzy Osborne ont également été touchés ; le premier a été écarté du groupe parce que son médecin lui avait dit que désormais sa pratique devenait incompatible avec ses problèmes auditifs.

Les problèmes auditifs dans le monde de la musique classique sont tout aussi fréquents, mais peut-être sont-ils moins exprimés dans cet univers feutré qui évoque une certaine idée de la beauté musicale.
Le cas de Chris Goldscheider, altiste de renom du Royal Opera House est pourtant significatif d’une situation tout à fait comparable à celle des musiciens de hard rock. Rien d’étonnant d’ailleurs car le niveau sonore n’exprime pas un style de musique mais simplement une intensité sonore et son corollaire un risque pour l’audition.

Fils d'un compositeur, Chris Goldscheider étudie l'alto depuis l'âge de 10 ans, passant de longues heures d'apprentissage et de travail pour rejoindre l'orchestre philharmonique de Liverpool, puis l'orchestre de la BBC et enfin l'orchestre du Royal Opera.

Chris Goldscheider altiste intente une action judiciaire à l'encontre de l'orchestre en relation avec les problèmes auditifs qu'il attribue aux conditions de travail au sein de l'orchestre.
L'orchestre réfute cette accusation, mais le syndicat des musiciens indique qu'environ un quart des musiciens de l'orchestre souffrirait de troubles auditifs.
L'altiste C. Goldscheider prétend que ses ennuis auditifs ont commencé en 2012 lors d'une répétition et à un moment précis de La Walkyrie de Wagner, les cuivres étaient placés juste derrière lui dans la « fosse » du Royal Opera.
Le niveau sonore peut être à ce moment à près de 137 décibels, soit un bruit équivalent à celui émis par un moteur d'avion à réaction. Les documents concernant les lésions dues aux bruits indiquent que l’on se situe alors au niveau du seuil susceptible de créer des lésions immédiates et permanentes de l'audition.
C. Goldscheider aurait subi un important traumatisme auditif aigu. Dans ces situations, le cerveau a tendance à amplifier énormément les sons ordinaires, créant alors une hyperacousie chez les sujets qui subissent de tels traumatismes.

Le musicien précise que les effets de ces dommages sur son audition ont été dévastateurs. Les bruits les plus banals, les plus quotidiens, comme celui de verres qui s'entrechoquent deviennent douloureux. Sa fille est née l’année dernière, le simple bruit des pleurs lui a provoqué des vertiges qui lui ont imposé de rester alité durant trois semaines.
Le musicien pense que sa carrière est désormais terminée, sa santé mentale détériorée. Sa vie a subi des changements dramatiques. Les conséquences de cet accident affecte sa santé physique, mentale, sa situation financière, sa vie sociale.
Chris Goldscheider ne peut plus écouter et conseiller son jeune fils, talentueux musicien de 18 ans, joueur de cor. Il est obligé de porter des protections auditives dans des situations les plus banales de la vie quotidienne.

L'orchestre rejette sa responsabilité pour ces dommages que le musicien attribue à une des répétitions. L'administration de l'orchestre a indiqué à la BBC que « la demande d'indemnisation de M. Goldscheider contre le Royal Opera House est un problème médico-juridique complexe qui est en cours depuis un certain temps. Désormais une procédure judiciaire est engagé et dans ces circonstances il ne serait pas approprié de commenter davantage cette situation ».
Pour l’avocat du musicien, les arguments de la défense ne sont pas soutenables : « essentiellement ce qui est dit, c'est que la dimension artistique justifierait d'endommager l'audition des musiciens sur scène ».
Bien  qu’un tel argument n’ait jamais été présenté devant un tribunal, nous ne pensons pas, indique l’avocat, que le tribunal puisse suivre cette argumentation. Il est clair qu’il doit être possible dans le même temps de maintenir la beauté de la performance et de protéger l’audition.

Le Royal Opera House compte environ 100 musiciens. Un rapport trimestriel sur l’absentéisme qu’a pu consulter la BBC mentionne que lors de la saison 2013/2014 il y avait eu 7 cas d’absence pour maladie liés à des problèmes de bruit et que cela avait induit un total de 117 semaines de congés maladie.
Morris Stemp, le représentant syndical des musiciens, affirme qu’il y a de nombreuses raisons pour que les musiciens classiques subissent des dommages auditifs.
« Les chefs d’orchestre sont autorisés à fouler aux pieds les considérations de santé et de sécurité ». Les instruments sont par ailleurs de plus en plus puissants. Ajouté à cela l’augmentation du nombre de concerts due en partie à la baisse de revenus provenant des ventes de CD. Il existe un ensemble de facteurs qui font que les problèmes auditifs deviennent un risque sérieux pour les musiciens d’orchestres classiques.

Le cas de cet altiste, Chris Goldscheider jette la lumière sur un problème connu mais dont on sous-estime la portée et la gravité. La procédure de Chris Goldscheider sera suivie attentivement par l’ensemble du milieu musical classique.

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