Rideau d’avant-scène

C’est celui qui ferme la scène aux yeux du spectateur, qu’on lève et qu’on abaisse au commencement et à la fin de chaque acte, et que le public appelle simplement « rideau. »
Les anciens faisaient précisément le contraire de ce que font les modernes en ce qui concerne la manœuvre du rideau. Chamfort nous le rappelle, en parlant de la « toile de théâtre » qui bordait leurs théâtres : « Elle différait de la nôtre, dit-il, en ce qu’elle était attachée par le bas, en sorte que quand nos pièces commencent, on lève la toile, qui est attachée parle haut, les Romains la baissaient, la laissaient tomber sous le théâtre ; et quand la pièce était finie, ou même après chaque acte, on la relevait pour les changements de décorations, au lieu que nous la baissons. De là vient qu’on disait en latin : tollere auloea, lever la toile, quand on fermait la scène et que les acteurs se retiraient ; et premere auloea, baisser la toile, quand on découvrait le théâtre pour commencer l’action. » En Italie, au dix-septième siècle, on employait l’un et l’autre procédé ; on usait même d’un troisième : celui qui consistait à avoir deux rideaux à coulisses qui s’écartaient comme ceux d’une fenêtre lorsqu’on voulait ouvrir la scène, et qui venaient se rejoindre lorsqu’on la voulait fermer. Aujourd’hui, l’usage du rideau, tel que nous le voyons pratiqué en France, est général par toute l’Europe ; pourtant, Richard Wagner, dont la rage de réforme était vraiment prodigieuse, avait fait établir, sur son théâtre de Bayreuth, le double rideau à coulisses, dont les petites baraques de marionnettes sont depuis longtemps les seules à se servir. On appelle rideau de manœuvre un rideau différent du rideau d’avant-scène par sa décoration, mais qui remplit pourtant le même office, celui de fermer la scène. On baisse ce rideau pour indiquer au spectateur que le changement de décor sera très prompt, l’entracte très court, et pour l’engager par conséquent à ne pas quitter sa place et à ne point sortir de la salle. La décoration du rideau d’avant-scène, presque toujours confiée à un peintre habile, est souvent très riche et d’un grand effet. Quelques théâtres d’ordre très secondaire se sont pourtant avisés, depuis quelque vingt ou trente ans, de remplir ce rideau, comme la quatrième page d’un journal, d’une série d’annonces commerciales qui produisent sur l’œil du spectateur même le plus indifférent l’impression la plus fâcheuse. Ce genre de rideau, qu’on a qualifié du nom de rideau d’annonces, est indigne d’une entreprise artistique qui possède au moindre degré le respect d’elle-même et de son public.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885


 

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