Réception d’une pièce

Il n’y a plus aujourd’hui, comme autrefois, de comités de lecture dans les théâtres. Tout auteur présente directement sa pièce. Tout auteur présente directement sa pièce au directeur du théâtre où il désire la voir représenter, et celui-ci la reçoit ou la refuse, restant le seul juge de l’œuvre qui est soumis à son appréciation. A la Comédie-Française, les choses se passent de façon différente, et l’on a conservé à peu près exactement la manière de procéder en usage au siècle dernier et qui nous est ainsi racontée par un écrivain du temps :
Un auteur qui a fait une pièce nouvelle la remet à celui des comédiens qui, chaque semaine, est chargé des petits détails de la troupe, et que, pour cette raison, on nomme semainier. Ce semainier en fait part à l’assemblée qui se tient tous les lundis, à onze heures du matin, à l’hôtel de la Comédie. On y convient, à la pluralité des voix, du jour où l’on fera la lecture de cette pièce, et le semainier a soin d’en prévenir l’auteur. Chaque acteur et actrice présents à la lecture reçoivent un jeton de la valeur de trois livres, qui leur est payé par le caissier de la troupe. L’auteur seul, ou celui qui présente la pièce, à droit d’assister à l’assemblée avec les comédiens. La pièce lue, l’auteur se retire, ne devant point être présent à la délibération. Le semainier a soin de fournir trois fèves à chaque acteur et à chaque actrice : une blanche pour l’acceptation avec des changements, et une noire pour le refus absolu. Après que chacun, par ordre d’ancienneté, a proposé ses réflexions et que les avis ont été discutés, on procède par la voie du scrutin, et le semainier fait part à l’auteur du jugement de l’assemblée. S’il s’agit de faire des changements dans la pièce, et que l’auteur s’y soumette, il demande une seconde lecture lorsqu’il croit avoir mieux réussi. Après cette lecture, qui se fait dans la même forme que la première, on décide définitivement, et l’on n’emploie dans ce second jugement que des fèves blanches ou noires, pour l’acceptation ou pour le refus. Le secret est fort recommandé aux comédiens sur tout ce qui se passe dans leurs assemblées. Si la pièce est reçue, l’auteur se munit de l’approbation de la police ; ensuite il convient avec les comédiens du temps auquel elle sera représentée, et ce temps est inscrit sur le registre des délibérations. Aucune pièce ne peut être jouée qu’après avoir été présentée au gentilhomme de la chambre en exercice. L’auteur distribue ses rôles comme il le juge à propos ; il en donne la liste au semainier, qui la communique à l’assemblée, et chaque acteur reçoit le rôle qui lui est destiné.
Il est bon d’observer qu’aujourd’hui un lecteur… préparatoire est attaché à la Comédie. Ce lecteur est chargé de prendre tout d’abord connaissance des pièces présentées. Celles qu’il juge trop absolument faibles sont rendues à leurs auteurs sans être soumises à l’appréciation du comité ; pour les autres, les choses se passent, comme je l’ai dit, à peu près ainsi qu’elles se passaient il y a cent ans.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885


 

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