Passion

Théâtre

La passion ne se discute pas, elle s’impose ; elle ne s’analyse pas, elle existe. Au théâtre, elle peut produire des effets saisissants et terribles ; il ne s’agit que de la traduire avec vérité et de lui faire parler le langage qui lui convient. Le poète qui veut nous émouvoir doit apprendre avant tout à connaître le chemin de notre cœur de même que le comédien doit deviner quels accents peuvent être employés par lui pour atteindre son but. On n’attend pas de nous que nous fassions ici une étude de la passion humaine considérée sous l’aspect théâtral, soit au point de vue de la conception littéraire, soit en ce qui concerne l’exécution scénique : le sujet serait trop vaste pour être traité dans le court espace que nous pourrions lui consacrer, et nous ajouterons qu’il serait au-dessus de nos forces. Nous nous bornerons à rappeler ce que dit Chamfort à ce propose, en faisant remarquer que les réflexions qu’il applique à la tragédie, seul genre sérieux en honneur de son temps, s’appliquent avec autant de justesse au drame moderne, la passion étant de tous les temps et de tous les pays. L’amour et la haine sont les deux grandes passions que la tragédie emploie pour exciter dans l’âme la terreur et la pitié : tout le jeu, tous les combats des autres passions ne sont mis en usage que pour exciter ces deux-là, qui sont celles dont les émotions ébranlent l’âme plus fortement et plus longtemps. Par amour, on n’entend pas seulement cette inclination d’un sexe pour l’autre dans ce sens, il est certainement très tragique : mais il faut qu’il domine en tyran. Il n’est pas fait pour la seconde place. La tendresse d’une mère pour son fils ; la voix de la nature qui se fait entendre dans les cœurs liés par le sang ; l’attachement d’une âme romaine pour sa patrie ; l’amitié héroïque, telle que celle de Pylade et d’Oreste, tous ces sentiments appartiennent à l’amour. La pitié s’excite par l’injustice et l’excès des maux qui accablent celui qui ne les a pas mérités ; et autant notre âme compatit à ses malheurs, autant elle hait et déteste ceux qui en sont les auteurs.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d'Arthur Pougin, 1885


 

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