Ombre (L')

Opéra-comique en trois actes

Opéra-comique en trois actes, livret de M. de Saint-Georges, musique de M. de Flottow ; représenté à l’Opéra-Comique le 7 juillet à l’Opéra-Comique le 7 juillet 1870. Cet ouvrage est certainement l’un des plus distingués qu’on ait écrits dans ces dernières années ; son succès a été interrompu par la guerre et on ne peut douter qu’il ne devienne un digne pendant de Martha. Le livret est très dramatique et intéressant. Quoique le cadre dans lequel M. de Saint-Georges a placé l’action soit bien dédoré par l’usage, puisqu’il s’agit des éternelles dragonnades, les détails sont poétiques, charmants et émouvants. Voici d’abord la donnée de la pièce : le comte de Rollecourt, officier sous le commandement du maréchal de Villars, avait désobéi à ses chefs en sauvant une famille de protestants qu’on allait massacrer ; on l’avait condamné à mort pour ce fait. Une jeune fille, élevée dans le château de Rollecourt, qui, à l’insu du comte, avait conçu pour lui un amour ardent, le voit tomber sous les balles des soldats ; nul doute, son maître est mort ; mais le comte a été sauvé par le capitaine chargé de l’exécution ; son amitié a inspiré à celui-ci l’idée d’un stratagème qu’on découvre et qu’il va payer de sa vie. Le comte s’est réfugié dans un village ; il est le locataire de Mme Abeille, veuve et riche ; il se fait passer pour un artisan, sculpteur en bois, et prend le nom de Fabrice ; la fermière ne regarde pas avec indifférence ; le médecin du village, Antoine Mirouet, s’est lié avec le jeune sculpteur ; tout ce monde se prépare à fêter la Saint-Fabrice, lorsqu’une jeune fille se présente à la ferme ; elle est épuisée de fatigue, et sous l’impression des scènes de violence dont elle vient d’être témoin ; elle demande à remplacer la servante du sculpteur, qui l’a quitté depuis quelques jours. Fabrice l’accepte ; mais en le voyant, Jeanne reste stupéfaite, et ne peut détacher ses regards de cet homme qui a tous les traits de son maître qu’elle a vu fusiller ; Mme Abeille voit dans cette pauvre fille une rivale et conçoit de l’aversion pour elle ; Fabrice se laisse fasciner à son tour par la beauté de Jeanne et dépose un baiser sur son front ; la jeune fille prend la résolution de fuir de cette maison ; Fabrice entend un cri ; il se précipite dans la chambre de sa servante ; Mme Abeille, qui épie tous les mouvements, voit ce scandale. Ainsi finit le premier acte. Jeanne est en butte aux mauvais propos dans le village ; elle est chassée de l’église et va quitter le pays, lorsque Fabrice fait connaître son innocence. Après son entretien avec lui, Jeanne était sortie par un brouillard épais et prenait la direction d’un précipice où elle allait trouver la mort ; Fabrice avait couru après elle et l’avait ramenée évanouie dans ses bras. Le bon docteur Mirouet, touché de ce récit, offre de faire un sort à la pauvre fille en l’épousant. Mme Abeille reçoit ensuite les confidences de Jeanne, qui lui raconte la passion insensée et secrète qu’elle a conçue pour son jeune maître, et les sentiments qui l’animent en présence d’un autre lui-même dont elle ne peut s’expliquer la si parfaite ressemblance. Fabrice a entendu cette conversation, et, loin de détromper Jeanne, il l’entretient dans la pensée que cette ressemblance est purement imaginaire. Mais voici que le docteur apporte une nouvelle dont il tient le récit d’un colporteur ; c’est le fait que nous avons raconté plus haut, relativement au simulacre d’exécution du comte. Il ajoute que si le comte ne vient pas se livrer lui-même, son ami, qui a trahi son devoir, sera fusillé à sa place. Rollecourt n’hésite pas ; profitant de la nuit, il revêt son uniforme et se dispose à partir. Un rayon de lune le trahit aux yeux de Jeanne, qui le retrouve tel qu’elle l’a connu. Elle se jette à ses genoux, lui avoue sa tendresse, le conjure de rester. Le devoir impérieux de l’honneur l’emporte dans le cœur de Rollecourt, qui quitte Jeanne on la laissant évanouie. Au troisième acte, il a repassé encore la frontière ; car l’action se passe plutôt sur les confins de la Savoie que dans les Cévennes, qui en sont trop éloignées pour la vraisemblance du drame. Il y a eu là une assez grave distraction géographique chez l’auteur dramatique. Rollecourt a obtenu un sursis de vingt-quatre heures et veut en profiter pour épouser l’orpheline, et lui laisser son nom et sa fortune. Jeanne s’abandonne à toute l’illusion de son bonheur ; elle reçoit l’anneau nuptial ; le mariage est célébré. Mais le secret fatal lui est révélé. Le comte, cette fois, va la quitter pour toujours. On comprend toute cette scène de larmes, de prières, de résistance. Pour abréger et finir, le docteur Mirouet apporte la nouvelle de la grâce accordée par le maréchal de Villars aux deux officiers. En glissant sur divers détails peu vraisemblables, sur les deux départs de Rollecourt, qui amènent deux scènes analogues, sur le mariage si prompt du comte avec une pauvre servante, on peut trouver ce livret très favorable à l’œuvre musicale, à cause des situations pathétiques et originales qu’il présente, et du caractère bien marqué de chacun des quatre personnages mis en scène ; car, de même que dans l’Eclair, il n’y a dans l’Ombre que quatre voix, sans mélange de chœurs.

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