Mimodrame

Le mimodrame est une sorte de mélodrame qui tire son nom de ce fait que l’action parlée se trouvait parfois interrompue et remplacée sinon par une action mimée proprement dite, du moins par des scènes muettes qui se composaient de combats, d’évolutions, de marches guerrières et équestres, etc., qui en faisaient un spectacle à part et d’un genre particulier. Je crois bien que le mimodrame a pris naissance vers 1795, au théâtre de la Cité, qui était situé sur l’emplacement occupé aujourd’hui par le tribunal de commerce, à l’époque où ce théâtre eut recours pour rappeler sa prospérité chancelante, aux chevaux de Franconi. Cuvelier et Hapdé furent les premiers qui mirent leur plume au service de ce genre bâtard, auquel on doit les grands drames militaires qui firent plus tard la fortune du Cirque-Olympique, alors que, sous la royauté de Juillet, celui-ci ne cessait de mettre en action cette trop fameuse légende napoléonienne, qui devait être si fatale à la France. « Le mimodrame, disait il y a trente ans M. Saint Agnan-Choler, n’a jamais constitué une œuvre bien littéraire. La richesse des décorations, la variété et la magnificence des costumes, l’emploi habile de nombreux comparses, tels ont toujours été ses principaux moyens de séduction. Cependant ces moyens ont suffi pour lui attirer une faveur qui ne s’est jamais démentie, et il est venu jusqu’à nous, en se perfectionnant et en augmentant ses ressources, mais sans en changer la nature… Pendant longtemps le Cirque-Olympe, avec sa vaste salle, avec sa scène large et profonde, avec ses chevaux dressés aux évolutions scéniques, est resté en possession de ce genre tout particulier, et il lui a dû de longs et profitables succès. En effet, les spectateurs ont toujours fort goûté cette espèce de spectacle, propre à enflammer les esprits belliqueux, et à procurer aux caractères pacifiques cette espèce de jouissance dont parle le poète, et qui consiste à regarder du rivage les périls de la tempête. On peut bien dire, il est vrai, que, pour trouver là les délices d’une illusion quelconque, il fallait y apporter une bonne volonté bien grande ou une imagination bien vive. Ces armées, composées d’une centaine d’hommes, dont douze sapeurs, un tambour-major, douze tambours, trente-six musiciens et une trentaine d’officiers ; ces combats, où les fusils se déchargeaient à bout portant sans jamais faire une seule victime ; ces charges de cavalerie exécutées par une demi-douzaine de chevaux sur un plancher sonore et faisant beaucoup de bruit, mais pas du tout de mal ; tout ce spectacle, mais tout à fait mesquin si on le compare aux terribles grandeurs de la réalité, ne pouvait donner d’une véritable guerre qu’une idée fort imparfaite. Mais enfin la poudre brûlée répandait dans la salle son odeur aussi guerrière que fétide ; les uniformes russes, autrichiens ou anglais reculaient devant les uniformes français ; un seul héros, en habit bleu, exécutait victorieusement contre trois ou quatre lâches en habit blanc ou rouge le combat traditionnel du drapeau ; les mots de patrie et d’honneur scintillaient au milieu de tout ce glorieux tapage, et puis il était là, LUI, l’homme des grands souvenirs, et voir cette redingote grise et ce petit chapeau, plus adorés mille fois que ne le furent jamais manteau de pourpre ou couronne d’or, entendre cette voix brève et saccadée qui commandait aux rois, n’en était-ce pas assez pour exciter l’enthousiasme en face de ce spectacle assez glorieux pour n’avoir pas besoin d’une complète réalité ! » Le mimodrame, devenu alors le « drame militaire », était exclusivement exploité par deux auteurs dramatiques de quatrième ordre, Ferdinand Laloue et Fabrice Labrousse, qui avait trouvé le ton nécessaire à ce genre de productions. C’est à eux que l’on dut Murat, Bonaparte ou les Premières Pages d’une grande histoire ; Bonaparte en Égypte ; Masséna, l’enfant chéri de la victoire, et plusieurs autres chefs-d’œuvre ejusdem farinae. Tout cela s’est évanoui, depuis que la guerre nous est réapparue comme un jeu trop cruel en sa réalité pour en faire un spectacle presque ridicule.

Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885.


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