Mignon

Opéra en trois actes

Opéra-comique en trois actes et cinq tableaux, paroles de MM. Michel Carré et Jules Barbier, musique de M. Ambroise Thomas, représenté à l’Opéra-Comique le 17 novembre 1866. Om semble que M. Thomas soit resté trop longtemps hors de la voie la plus favorablement ouverte à son genre de talent, à sa nature fine et distinguée. Ebloui peut-être par l’accueil fait à sa partition du Caïd, il a fait de trop longues concessions au genre de l’opéra-comique. Son organisation, douée d’une sensibilité exquise, se repliant volontiers sur elle-même pour retrouver une nuance nouvelle de sentiment, s’accommodait mal des allures de convention, des types usés par un long service à la scène ; tout cela ne lui convenait point. Pour plaire au public de l’Opéra-Comique, il ne faut pas faire le fier et le dédaigneux, ni reculer devant les procédés qui lui sont familiers ; il ne faut pas songer surtout à s’imposer autrement que par insinuation. Si le Caïd, ouvrage plus ingénieux que solide au point de vue du grand art, a obtenu un immense succès, d’autres, véritablement inspirés, tels que Psyché, ont échoué. Le Songe d’un nuit d’été, qui offre des beautés achevées, n’a obtenu qu’un demi-succès. C’est dans l’opéra de Mignon que M. Ambroise Thomas a pu donner un complet essor à ses difficultés. C’est un ouvrage où dominent la grâce, le goût et le sentiment. Le compositeur s’est trouvé dans cet élément poétique, pittoresque, vraiment artistique, qui est le sien propre. Ses phrases mélodiques expriment bien les dehors de ses personnages, de Mignon, de Philine, de Wilhelm Meister, de Lothario, tandis que son harmonie peint avec bonheur leur caractère intime et le fond de leurs sentiments. Les auteurs du livret ont heureusement traité ce sujet difficile de Mignon, en ne s’inspirant  pas moins des compositions d’Ary Schaeffer, dont l’expression est si pénétrante, que du récit de Goethe, dans ses Années de voyage de Wilhelm Meister.

L’histoire de Mignon a été complétée par une scène très pathétique au troisième acte. Une scène remarquable au point de vue littéraire, et traitée par le musicien avec l’inspiration la plus soutenue, est celle où Mignon rappelle à Wilhelm les seuls souvenirs de son enfance qui lui soient restés.

Mignon
Demain, dis-tu ? Qui sait où nous serons demain ?
L’avenir est à Dieu ! le temps est dans sa main.

Wilhelm
Quel est son nom ?

Mignon
Ils m’appellent Mignon,
Je n’ai pas d’autre nom.

Wilhelm
Quel âge as-tu ?

Mignon
Les bois ont reverdi, les fleurs se sont fanées,
Personne n’a pris soin de compter mes années.

Wilhelm
Quel est ton père ? Quelle est ta mère ?

Mignon
Hélas ! ma mère dort,
Et le grand diable est mort !

Wilhelm
Le grand diable ! que veux-tu dire ?

Mignon
C’était mon maître.

Wilhelm
Celui qui t’a vendue à cet homme !...
(L’examinant avec intérêt). Mais comment étais-tu tombée entre ses mains ? Parle ! Je puis peut-être venir à ton secours et t’arracher à cette vie misérable ! On t’a volée à ta famille sans doute ? N’as-tu pas conservé quelque souvenir de ton enfance ? (Mignon le regarde sans répondre). Tu gardes le silence ! Tu n’oses te confier à moi !

Mignon
(Cherchant à rappeler ses souvenirs, et comme se parlant à elle-même.)
De mon enfance, une seule chose est restée gravée dans mon esprit, précise comme au premier jour. Je m’étais écartée de la maison de mon père et j’errais à l’aventure dans la campagne, quand je me vis entourée par des hommes à figure étrange. Je les suppliai de me ramener chez mon père, en leur indiquant le chemin qu'’ils devaient suivre ; ils me le promirent et m’emmenèrent avec eux. Mais la nuit, comme ils croyaient que je dormais, j’entendis l’un d’eux qui disait :  « Elle pourra être utile ; il faut lui faire quitter son pays au plus vite !... »

Wilhelm
Dis-moi donc quelles contrées tu as traversées pour venir jusqu’ici, vers quels lieux lointains tu voudrais être ramenée.

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