Machines

On donne le nom de machines, au théâtre, à tous les procédés mécaniques à l’aide desquels on produit sur la scène un mouvement matériel instantané, et aussi à l’effet produit par ce mouvement ; le jeu d’une trappe ou la disparition rapide d’un personnage ou d’un objet, d’une transformation, un travestissement, un truc, un vol, une gloire, tout cela forme autant de machines destinées à surprendre, à charmer, à éblouir l’œil du spectateur, toujours heureux d’assister à ces prodiges scéniques. Dès le milieu du dix-septième siècle, nos théâtres connaissaient l’emploi de machines très compliquées, et l’un d’eux surtout, celui du Marais, se fit une grande renommée en ce genre et attira tout Paris par l’éclat de ses « pièces à machines, » qui ne le cédaient guère, sous ce rapport, à nos grandes féeries modernes. (Voyez Féerie.) Louis XIV fit même construire, aux Tuileries, une salle de spectacle qui reçut le nom de Salle des machines, parce qu’elle était spécialement aménagée pour rendre plus parfait le jeu des machines qu’on y devrait employer. Notre Opéra, dès sa naissance, porta tous ses efforts de ce côté, et aucun théâtre ne lui fut jamais supérieur pour l’emploi des machines, leur splendeur et leur perfection. Au reste, les machines de théâtre ne sont point une invention des modernes, et d’antiquité les connaissait. Voici ce que dit Chamfort à ce sujet : Les anciens en avaient de plusieurs sortes dans leurs théâtres, tant celles qui étaient placées dans l’espace ménagé derrière la scène, que celles qui étaient sous les portes de retour, pour introduire d’un côté les dieux des bois et des campagnes, et de l’autre les divinités de la mer. Il y en avait aussi d’autres au-dessus de la scène pour les dieux célestes, et enfin d’autres sous le théâtre pour les ombres, les Furies et les autres divinités infernales. Ces dernières étaient à peu près semblables à celles dont nous nous servons pour ce sujet. Pollux nous apprend que c’étaient des espèces de trappes qui élevaient les acteurs au niveau de la scène de trappes qui élevaient les acteurs au niveau de la scène, et qui redescendaient ensuite sous le théâtre par le relâchement des forces qui les avaient fait monter. Ces forces consistaient, comme celles de nos théâtres, en des cordes, des roues, des contrepoids. Les machines qui étaient sur les portes de retour étaient des machines tournantes sur elles-mêmes, qui avaient trois faces différentes, et qui se tournaient d’un et d’autre côté, selon les dieux à qui elles servaient. Mais de toutes ces machines, il n’y en avait point dont l’usage fût plus ordinaire que celles qui descendaient du ciel dans les dénouements, et dans lesquelles les dieux venaient pour ainsi dire, au secours du poète. Ces machines avaient même assez de rapport avec celles de nos cintres, car, au mouvement près, les usages en étaient les mêmes, et les anciens en avaient, comme nous, de trois sortes en général : les unes, qui ne descendaient point jusqu’en bas, et qui ne faisaient que traverser le théâtre ; d’autres, dans lesquelles les dieux descendaient jusques sur la scène, et de troisièmes, qui servaient à élever ou à soutenir en l’air les personnes qui semblaient voler. Comme ces dernières étaient toutes semblables à celles de nos vols, elles étaient sujettes aux mêmes accidents : car nous voyons dans Suétone qu’un acteur qui jouait le rôle d’Icare, et dont la machine eut machines eussent assez de rapport avec celles de nos cintres, comme le théâtre des anciens avait toute son étendue en largeur, et que d’ailleurs il n’était point couvert, les mouvements en étaient fort différents ; car au lieu d’être emportées, comme les nôtres, par des châssis courant dans les charpentes en plafond, elles étaient guidées à une espèce de grue, dont le col passait par-dessus la scène, et qui, tournant sur elle-même pendant que les contrepoids faisaient monter ou descendre ces machines, leur faisaient décrire des courbes composées de son mouvement circulaire et de leur direction verticale, c’est-à-dire une ligne en forme de vis de bas en haut, ou de haut en bas, à celles qui ne faisaient que monter ou descendre d’un côté du théâtre à l’autre, et différentes demi-ellipses à celles qui, après être descendues d’un côté jusqu’au milieu du théâtre, remontaient de l’autre jusqu’au-dessus de la scène, d’où elles étaient toutes rappelées dans un endroit du postcenium, où leurs mouvements étaient placés. Il faut remarquer que si le principe du mouvement est toujours à peu près le même, si les procédés employés n’on guère changé, cependant les machines de nos théâtres modernes sont beaucoup plus compliquées, beaucoup plus variées que celles des anciens, et qu’on obtient aujourd’hui des effets incomparablement plus puissants. Certains théâtres, à Paris, tels que l’Opéra, le Châtelet, la Porte-Saint-Martin, la Gaîté, spécialement organisés pour le jeu des machines, obtiennent des résultats véritablement surprenants, et les Anglais, qui ont poussé très loin les recherches en ce sens, ne nous sont nullement inférieurs. Il est même arrivé que sur de petites scènes, telles que celle des Variétés, qui ne sont machinées que d’une façon en quelque sorte rudimentaire, on a produit des effets aussi agréables que curieux.


Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885

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