Le secret médical à travers l'histoire

Hippocrate
Une analyse du serment d’Hippocrate, replacé à l’époque et au lieu de son élaboration, montre que la règle de silence ne semble reposer ni sur des bases juridiques, ni sur une notion d’ordre public. Il s’agit d’une "obligation morale et presque religieuse, ou au moins indiquant l’appartenance à un groupe spécial aux principes moraux bien définis", groupe représentant une minorité de médecins.

Les médecins Grecs
La plupart des médecins grecs suivaient les règles de conduite dictées par le bon sens et envisageaient le secret comme une sage précaution et non pas comme un devoir moral. Quant aux civilisations antérieures à celles de la Grèce, en particulier égyptienne et méso-arméricaines, elles ne connaissaient pas le secret médical en tant que dogme, pas plus que les civilisations extra-européennes (Inde, Chine), où silence et respectabilité allaient de soi pour le médecin, comme pour d’autres notables ou sages.

Par contre, l’obligation de transmission du savoir médical aux seuls initiés et non aux profanes, a de tous temps existé, disposition reprise d’ailleurs par le serment d’Hippocrate juste avant (ou après, selon les versions…) la partie consacrée au secret médical proprement dit. Il n’est pas sûr que cette obligation soit tombée en désuétude, en dépit des apparences.

Les médecins Romains
Quant au droit romain classique, il ne connaît pas la notion de secret médical. Galien ne se soucie jamais de secret médical. Galien ne se soucie pas jamais du secret ni dans ses écrits, ni dans ses actions. A la période médiévale, l’intérêt du groupe prévalant celui de l’individu, le secret perd de l’importance. Grmek signale que si le secret médical ne fait pas partie des anciens statuts de la Faculté de Médecine de Paris (1270), les nouveaux statuts présentés au Parlement, le 3 septembre 1598, contiennent dans leur article 77, la disposition suivante "que le personne ne divulgue les secrets des malades, ni ce qu’il a vu, entendu ou compris.

La Renaissance
Ces dispositions statutaires reflètent un revirement qui se développera pendant la Renaissance, à la faveur de l’apparition d’un individualisme nouveau. Cela n’empêche pas un laxisme certain nombre de médecins catholiques "mettent en parallèle les deux Ministères, celui du médecin confident des plaies du corps et celui du prêtre, confident des plaies de l’âme. Le secret médical est comparé au secret de la confession". Malgré cela, il n’est pas sûr que ne persiste pas de nos jours ce reliquat culturel de l’assimilation sacramentelle dans la conscience de nombre de praticiens.

Le code Napoléon
La France est le premier pays à introduire dans la législation la protection du secret professionnel (code Napoléon, 1810). L’exercice de la médecine acquiert les caractéristiques libérales (libre choix, liberté de prescription, entente directe) qui régissent l’activité de la plupart des praticiens actuels, l’existence du secret médical général et absolu étant posée comme un élément essentiel de cette charte déontologique médicale.

L’étymologie
Il est possible également d’aborder l’étude du rapport médecin-secret à partir de l’évaluation étymologique et sémantique du mot "secret".
Il s’avère en effet que tout plaide en faveur d’une parenté étymologique entre secret et excrément.

  • Avant que n’apparaisse au XVI° siècle le mot secret, le terme utilisé était segret. Or, les segret désignaient les leiux d’aisance.
  • La racine "cerno" selon qu’elle est précédée du préfixe ex-cerno aboutit à excrément, ou du préfixe se-cerno à secretum qui aboutit à secretion et secret.

Ainsi, déjà à ce niveau, est mis l’accent sur l’opposition rejet-rétention et la problématique anale sous-jascente. D’ailleurs, Grek ne cite-t-il pas Ali Ibn Abbas, médecin persan du X° siècle, pour lequel "les douleurs de la matrice et les hémorroïdes sont des maladies honteuses pour lesquelles on doit garder le secret", ou encore le rabbi Shemtov Ben Jizchaq vivant au XIII° siècle à Marseille et Montpellier et qui pense que "le médecin doit garder le secret professionnel, surtout pour les maladies que les malades caches à leurs parents et proches (les maladies des femmes, les maladies de l’anus et des organes sexuels)".
Il est à noter d’ailleurs, que de nombreux arrêts, surtout de la première moitié de notre siècle, concernent des affections gynécologiques, uro-génitales ou ano-rectales.
Sur le plan sémantique, Lévy montre bien que le secret est un savoir traité sur le mode anal, c’est-à-dire un savoir dissimulé et une relation à autrui organisée à parir du refus de communication de ce savoir, ou tout au oins d’une sélection des initiés aptes à le recevoir. Aussi, le secret confère un pouvoir sur l’autre, il est le moyen de ce pouvoir, d’autant plus imposant que toute révélation partielle habilement choisie aura donné encore plus d’importance à ce qui reste caché.Le secret joue un rôle protecteur contre l’agression redoutée de l’autre, préserve de toute blessure narcissique, surtout si le secret est une chose mauvaise, source de honte.
J. Vedrinne, Cahiers médicaux, 30 janvier 1978


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