Komofoli

"Les rythmes joués dans les musiques de percussions Mandingues sont regroupés en classes bien identifiées qui permettent de les associer à des rites de la vie social précis.

Ce rythme est joué par un kongoni et deux djembés. Lorsque l’on parle du « Komo » on évoque bien plus qu’un rythme. Le « komo » est en effet une divinité intermédiaire, entre l’homme et les puissances divines. Il est à l’origine de diverses confréries traditionnelles secrètes, les femmes et les griots n’y ont pas accès. Ces sociétés secrètes transmettent des savoir occultes. Elles sont composées pour la plupart de féticheurs et forgerons. Ce rythme sacré est joué pendant deux nuits consécutives, lors du nouvel an lunaire appelé « radjaba »(décalage de 15 jours par an). Durant cette cérémonie où des sacrifices d’animaux sont effectués, le masque arrive dans une grande malle, ses protecteurs l’entourent et font sonner les cloches signalant l’arrivée de l’entité à l’assemblée disposée en cercle. Des petit tas de paille sont brûlés. Les participants doivent être pieds nus, sans cuir, sans feu, sans tabac ou excitant quelconque. Une fois le masque arrivé près des fétiches, très peu visibles de par l’obscurité, les nouveaux initiés forment un rang ( j’en faisais partie lors de ma première fête) au milieu du cercle constitué de 100 à 120 personnes. Ensuite ils se mettent à genoux pour se soumettre à la divinité qui n’est pas encore apparue. Ceci étant fait chacun retourne s’asseoir dans le cercle pour laisser un grand espace vide réservé à la danse du « komo ». Le rythme commence avec une pulsation binaire, et avant même que le « komo » arrive, des participants se lèvent et entrent en transe comme pour annoncer sa venue. Ils tournent en cercle, s’étourdissent, tombent au sol ou encore se jettent dans la foule ; les personnes faisant partie de « l’organisation », vêtus de rouge, les attrapent violemment et les plaquent au sol de façon à ce qu’ils ne bougent plus. Ensuite dans un grand silence, les batteurs s’arrêtent de jouer, le « komo » sort d’un côté de la foule surprenant celle-ci et se dirige vers le centre du cercle. Les batteurs reprennent le jeu d’abord à un tempo lent et binaire et dès que l’entité se met à tourner le rythme change, s’accélère brusquement et devient ternaire : « le komo » tourne alors sur lui-même à vive allure rappelant celle des derviches tourneurs en Turquie et se met à courir en marche arrière en faisant un demi-cercle. L’atmosphère est tendue, je lis la peur et la crainte sur de nombreux visages. Cette manifestation se reproduit des dizaines de fois dans la nuit entrecoupée de moments de silence où l’entité marche à travers la foule et frôle les participants avec son habit fait de longues plumes d’oiseaux rares. Lorsqu’il se déplace, il s’arrête parfois brusquement pour fixer l’auditoire, et soudain il s’adresse à quelqu’un en une langue secrète. Il est accompagné à ce moment par une de ces personnes en habit rouge qui le traduit, il lit dans le passé de l’âme et prévient du sort de chacun par une demande de sacrifices. Sa voix est modifiée grâce à une sorte de rhombe, (instrument à vent, dans ce cas fait de bambou que l’on place dans la bouche afin d’en modifier le timbre naturel) , ce qui lui donne un timbre saisissant. Pour citer Gilbert Rouget dans « la musique et la transe », « Les adeptes nous sont apparus comme des musiquants, et non comme des musiciens, en ce sens que chanter ou jouer d’un instrument de musique n’est pour eux qu’une modalité de leur activité et non leur but principal »
A la lumière de ces descriptions, nous voyons que la musique traditionnelle Mandingue a une fonction précise qui renvoie à une organisation sociale dans laquelle s’inscrivent à la fois les musiciens, le public mais aussi les divinités et les représentations symboliques propres à la culture du pays ou de l’ethnie considérés. La musique, dans ce contexte, renvoie à une identité à la fois précise mais aussi dynamique, une tradition qui se construit perpétuellement et redéfinit les notions qui nous paraissent évidentes en Occident."

Percussion mandingue (Comtet Julien, Mémoires de djembéfola, L’Harmattan, 2012)


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