Imagination

L’imagination, considérée en général, est la faculté de retenir l’impression des objets, d’en arranger les images et de les combiner en mille manières. Tous les sens fournissent des secours à l’imagination ; mais ceux de la vue et de l’ouïe l’enrichissent plus que tous les autres, parce que, rapprochant les distances ou franchissant les intervalles, multipliant nos rapports avec l’extérieur, embrassant presque dans le même moment le ciel et la terre, ils nous font toucher à un plus grand nombre de choses qui se gravent dans notre esprit et y déposent leurs images. L’imagination joint la réflexion et la combinaison à la mémoire. Loin de se borner à subir l’influence de la première impression des objets ou des sons, elle s’excite à en recevoir de nouvelles ; elle recueille et raisonne ses propres sensations, les rejette ou les admet dans les cadres qu’elle leur a tracés. Autour d’une idée qui la domine, elle cherche à éveiller une foule d’idées accessoires. Son coup d’œil rapide et sûr découvre à de grandes distances les rapports jusqu’alors inaperçus entre deux objets. Elle les rapproche et les unit, et leur imprime dans ses imitations le cachet de la nature. L’imagination du musicien et du poète, réglée par le goût, fait en petit ce que le créateur a fait en grand ; elle applique à ses œuvres la même économie que Dieu à l’ordonnance du monde : c’est surtout cette faculté qui paraissait aux anciens un don des dieux, ingenium quasi ingenitum, une inspiration divine. L’imagination qui invente avec grandeur, médite avec profondeur, féconde avec patience, dispose avec sagesse et enchaîne avec habileté, est du génie. Dans les sciences, elle donne des Newton ; dans les lettres, des Homère ; dans les arts, des Beethoven, des Rossini. Et qu’on ne soit point choqué de ce rapprochement : on dira peut-être qu’il y a plus de grandeur à découvrir les lois de l’univers qu’à composer la symphonie héroïque on Guillaume Tell ; et cependant le musicien vivra aussi longtemps que le philosophe, et restera comme lui au rang de ces organisations supérieures dont la nature se montre avare. Que le jeune musicien ne cherche point ce que c’est que l’imagination. En a-t-il ? la sent-il en lui-même ?
La génie du grand compositeur soumet le monde entier à son art ; il peint tous les tableaux par des sons, il fait parler le silence même, il rend les idées par des sentiments les sentiments par des accents ; et les passions qu’il exprime, il les excite au fond des cœurs. La volupté par lui prend de nouveaux charmes ; la douleur qu’il fait gémir arrache des cris. Mais pour que l’imagination produise ces grands effets, il faut qu’elle soit réglée par le goût. L’imagination crée, mais le goût choisit, et un génie trop abondant a besoin de son secours pour ne point abuser de ses richesses. Sans goût, on peut faire de grandes choses en musique ; mais c’est lui qui les rend intéressantes. C’est le goût qui fait saisir au compositeur les idées du poète, c’est le goût qui met chaque chose à la place qui lui convient et fait des diverses parties d’une composition musicale un tout homogène, un ensemble harmonieux. Sans le goût, il n’y a point de chef-d’œuvre complet. Indépendamment de la grande imagination qui invente, dispose, dessine et colore sous les yeux de la raison, il existe une imagination de second ordre qui est celle des détails. Cette imagination jette beaucoup d’agrément dans un ouvrage ; elle sait parfois mettre en œuvre avec beaucoup d’habileté les idées les plus vieillies et leur faire subir une heureuse métamorphose ; mais seule, elle ne saurait constituer des ouvrages vraiment supérieurs.


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