Fracture de fatigue chez le danseur et la danseuse

Quels sont les facteurs de risque des fractures de fatigue chez le danseur/la danseuse ?

Des composantes variées sont à l’œuvre pour favoriser une fracture de fatigue. De manière globale, les capacités de l’os à supporter ces contraintes dépend de la santé osseuse du sujet, un facteur déterminé par la nutrition, la génétique, le statut hormonal, un passé d’activité physique, ainsi que la présence de pathologies.
On peut ainsi distinguer des causes externes de fracture de fatigue et des causes internes.

Les causes externes
la fatigue : C’est une modification de la charge physique, une augmentation du programme de travail physique autant en quantité (en durée et en intensité) qu’en qualité (répétition de mouvements identiques) qui exposent à l’apparition de micro-lésions pouvant entrainer des microfissures qui vont faire le lit progressivement d’une fracture de fatigue ou de stress ; la préparation d’une tournée, d’un concours, la reprise après une période de repos sont des facteurs favorisants.
le type de sol : Les sols durs (ciment, surface synthétique que l’on peut rencontrer parfois lors de prestations en tournée dans des lieux non spécifiques représentent un risque supplémentaire.
le type de chaussage : des chaussons aux capacités d’amortissement amoindris, partiellement usés, une pratique pieds nus favorisent une absorption moindre des contraintes mécaniques liées aux exercices dansés.
Le type d’entraînement : une gestion inadaptée de l’entraînement, des répétitions, des stages, notamment sur le plan quantitatif avec une augmentation rapide voire brutale du rythme et de l’intensité des séances, sur le plan qualitatif avec des séquences répétitives de « patrons de mouvements ».
Une mauvaise utilisation corporelle : une forme de geste qui ne respecte pas suffisamment l’état du danseur à un moment donné (état de stress, fatigue, régime alimentaire), ni la physiologie du mouvement fait prendre des risques supplémentaires de fracture de fatigue.
l’image médiatisée de la femme, dans le champ médiatique, de la mode, de la danse qui va être intégré très précocement par les danseuses et devenir un facteur interne autonome.
Le mode de vie
: Une vie centrée quasi-exclusivement sur la pratique, parfois "en vase clos" (internat). La prise de repas n’est pas toujours un moment de convivialité mais un moment de culpabilité.

Les causes internes
Les parents d’élève ainsi que les professeurs de danse doivent considérer comme facteur de risque la triade symptomatique qui associe l’aménorrhée, les perturbations du comportement alimentaire et la baisse de densité osseuse. De nombreuses adolescentes danseuses et jeunes femmes danseuses souffrent probablement de l’un des éléments de la triade, en particulier des troubles du comportement alimentaire. Il s’agit d’un syndrome phare ; un seul de ces facteurs doit éveiller l’attention et amener les danseuses à consulter une équipe pluridisciplinaire constituée par exemple d’un endocrinologue, d’un psychologue, d’un diététicien, d’un gynécologue, etc.

La densité minérale osseuse
La relation entre la densité osseuse et la fracture de fatigue n’est pas clairement identifiée. Mais on retrouve chez les athlètes féminines ayant été victime d’une fracture de fatigue une densité osseuse plus faible que chez celles qui n’ont pas eu de fracture de fatigue. Pour autant, la densité osseuse des sportives est plus élevée que chez les non-sportives. La fracture de fatigue ne serait donc pas favorisée par une faible densité osseuse, mais par une densité osseuse relativement insuffisante par rapport à la contrainte physique demandée. L’ostéoporose est fréquente chez les sujets anorexiques. Le risque de fracture est nettement supérieur à la population générale. Les anorexiques s’imposent des restrictions alimentaires qui vont entraîner des carences graves. Cela va entraîner des déficits d’éléments essentiels à l’entretien du tissu osseux et les conséquences sont d’autant plus importantes que ce déficit survient sur un sujet jeune. L’importance du déficit nutritionnel et la persistance d’un faible poids corporel sont des critères de gravité.

Le climat hormonal (endocrinien)
Les oestrogènes, hormones féminines, ne sont pas seulement nécessaires à la féminisation et à l’apparition des cycles menstruels. Les oestrogènes interviennent dans le développement osseux, le renouvellement et la consolidation des os. L’activité oestrogénique à la période de la puberté est responsable de la poussée staturale. Une carence de la production d’oestrogène durant cette période pubertaire va retentir sur le développement osseux et majorer le risque de fracture de fatigue.
« Avant l’âge de 16 ans, l’incidence des fractures de fatigue est similaire dans les populations masculines et féminines ». Le retard pubertaire paraît être un facteur à prendre en compte. « Bennel et al considèrent que le risque est multiplié par 4,1 pour chaque année de retard supplémentaire. »
« La perturbation des cycles menstruels est retrouvée systématiquement comme facteur favorisant (les oligoménorrhées ou les aménorrhées secondaires) de la diminution de la densité osseuse. Le taux d’aménorrhées est considérablement plus élevé chez les danseuses (de même que pour les sportives en général) par rapport à la population générale. On retrouve des différences notables selon la pratique physique :

 

Pourcentage d’aménorrhée selon les pratique
100 % des gymnastes
65 % chez les coureuses de fond
52 % chez les danseuses
31 % chez les nageuses
17% dans les sports d’équipe (Wolman et Harries, 1989)
< 5% de la population générale

Kadel et al. [5] indiquent que le premier seuil de risque survient après 6 mois d’aménorrhée. C’est moins la durée de cette aménorrhée qui importe, que sa survenue précoce qui entraîne une déperdition osseuse maximale. « Warren et al. [6] ont montré en 1986 que 54 % des danseuses aménorrhéiques de leur étude ont présenté une fracture de fatigue contre seulement 17 % des danseuses euménorrhéiques.

Trois facteurs influencent la production des oestrogènes en l’abaissant : un entraînement intensif, une masse grasse trop faible et le stress psychologique.

Trois facteurs influencent la production des oestrogènes en l’abaissant :

  • un entraînement intensif,
  • une masse grasse trop faible,
  • le stress psychologique.

Comportements alimentaires. Facteurs nutritionnels et anorexie

 sculpture de Milo Dias

La restriction des apports énergétiques pratiquée par certaines danseuses dans un souci de performance, d’esthétique, d’identification sociale peut entraîner des perturbations de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique avec survenue d’oligoménorrhée ou d’aménorrhée. L’hypoestrogénie entraîne une augmentation de la résorption osseuse avec diminution de la formation osseuse, ralentissant ainsi la réparation des microfractures.
Près de 30 % des sportives présentent des problèmes alimentaires plus ou moins sérieux, soit 10 fois plus que chez les hommes. On retrouve ainsi 1% d’anorexie mentale et 2 à 5 % de boulimie.
Les jeunes danseuses doivent correspondre à certain stéréotype sur le plan morphologique. Ce type de profil physique est renforcé par les média, mais aussi à l’intérieur même des cursus de formation. La jeune danseuse est gracile, très mince, son corps discipliné à l’extrême doit répondre et aux services entiers de la pratique. Les jeunes élèves essaient de se conformer à ces critères et les personnes qui éprouvent des difficultés pour cela sont obligées de recourir à des mesures sévères de restriction par exemple, d’efforts physiques, de déni de leur féminité (aménorrhée).

Le rôle de l’apport calcique a été discuté. Chez l’adulte, la diminution d’apport calcique favoriserait la déplétion osseuse ; pour autant certaines études ne confirment pas une conséquence néfaste sur l’incidence des fractures de fatigue.
Chez un groupe de militaires, l’apport de calcium ne diminuerait pas l’incidence des fractures de fatigue et par ailleurs la fréquence des fractures n’est pas augmentée dans un groupe de danseurs dont le régime est hypocalcique (Schwellmius) Des modes alimentaires restrictifs sont encore trop largement rencontrés chez les jeunes danseuses. Si ce type de comportement est prolongé, il va obligatoirement être accompagné d’une déperdition osseuse. « Un poids anormalement bas est toujours corrélé à ces troubles alimentaires ».

Ces trois troubles sont interconnectés.
En général, la densité osseuse est étroitement liée à des menstruations régulières et au nombre total de cycles menstruels. L’arrêt des menstruations supprime l’effet protecteur des oestrogènes sur l’os, rendant ces femmes plus vulnérables à la perte de calcium et à une diminution simultanée de la masse osseuse. L’imprégnation hormonale en œstrogène est elle-même liée aux comportements alimentaires ; un régime carencé, une masse grasse trop faible diminuent l’activation de l’œstrogène.

Facteurs complémentaires

Le stress
Les facteurs psychologiques sont également importants. En comparant une population de sportifs ayant été victimes de fracture de stress avec une population témoin, Ekenman et al. [7] observent que les victimes de fracture de stress se distinguent par une ambition, un esprit de compétition plus élevés. Cet auteur en déduit tout l’intérêt d’une gestion psychologique de la performance.
L’ensemble des agressions que subit la danseuse entraîne un orage hormonal fait notamment d’adrénaline et de noradrénaline.
Le stress est susceptible d’entraîner un déséquilibre du cycle menstruel chez la danseuse. Ces aménorrhées ne sont pas permanente et peuvent céder lorsque le stress lui-même s’estompe, les « règles » peuvent venir à nouveau lors d’une période d’accalmie, les vacances, une interruption de deux à trois mois de la pratique.

Autres facteurs : Lappe [8] met en évidence une augmentation du risque en cas d’âge avancé, de consommation régulière d’alcool ou de tabac, de boissons gazeuses, lors d’efforts pour maintenir un poids faible, ou encore en cas d’utilisation de corticostéroïdes. Les femmes blanches sont les plus exposées et le risque de fracture de stress est inversement proportionnel au poids des femmes.

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