Fantasio

Opéra-comique en trois actes, d’après la comédie d’Alfred de Musset, musique de J. Offenbach, représenté à l’Opéra-Comique le 18 janvier 1872. La réputation littéraire d’Alfred de Musset, le succès de quelques-unes de ses pièces ont fait croire qu’on pourrait transporter au théâtre les scènes dialogues que son imagination capricieuse lui avait dictées ; les essais tentés au Théâtre-Français et à l’Odéon n’ont pas réussi ; celui qu’on a renouvelé à l’Opéra-Comique a également échoué. On oublie trop souvent que, dans un ouvrage musical en trois actes, il faut autre chose que du marivaudage, que quelques mots spirituels ne suffisent pas ; or, il n’y a dans le Fantaisie d’Alfred de Musset ni grâce ni sentiment. Ses personnages ne vivent pas, fort heureusement d’ailleurs. Leurs actions sont absurdes, leur langage cynique, leur cœur absent ; ce sont des marionnettes de mauvaise compagnie. Il faut convenir, cependant, que la musique de M. Offenbach les a encore abaissées d’un degré. Je ne connais rien, dans le répertoire de l’Opéra-Comique, de moins digne d’une scène lyrique que cette partition. Les idées sont plus plates, plus écourtées, l’harmonie plus pauvre que dans les comédies mêlées d’ariettes des Gresnick et des Devienne. Dezède et Gaveaux, qu’on traitait sans cérémonie de leur temps, étaient des musiciens pleins d’invention et de sentiment, si on les compare à M. Offenbach ; l’ouverture est d’un style si haché menu, qu’on l’a appelé Introduction ; mais avec ce titre, elle est trop longue. Les couplets de l’étudiant Spark, avec imitation des cloches par le chœur, n’offrent rien d’original ; si le musicien avait le talent que les gens qu’il amuse lui accordent, n’aurait-il pas trouvé une occasion de le montrer dans la ballade à la lune ?
Voyez dans la nuit brune,
Sur le clocher jauni
La lune
Comme un point sur un i.

Au lieu de Fantasio, chantant une mélodie humoristique et poétiquement bizarre, on croirait entendre Patachon, dans les Deux aveugles, ou Trombalcazar. La romance d’Elsbeth :
Pourquoi ne puis-je voir sans plaisir et sans peine
Les baisers du zéphir trembler sur la fontaine,
Et l’ombre des tilleuls passer sur mes bras nus ?
Hier j’étais une enfant et je ne le suis plus.
a été mieux traitée. Mais il aurait fallu une autre muse que celle de l’auteur de la Belle Hélène pour exprimer le second couplet, bien préférable au premier :
L’eau, la terre et les vents, tout s’emplit d’harmonie ;
Un jeune rossignol chante au fond de mon coeur ;
J’entends sous les roseaux murmurer les génies ;
Tout me parle d’amour, d’ivresse et de bonheur !
Le duo entre Elsbeth et Fantasio est une toute petite valse, tout au plus digne du Mariage aux lanternes. Il y a un morceau qui vaut le texte du livret ; c’est le chœur des pénitents :
O saint Jean ! ta joyeuse face
A fait sa dernière grimace,
Toi qui chantais, toi qui raillais,
Grand Docteur en plaisanterie.

Ici le parolier et le musicien sont d’accord ; appeler un bouffon saint Jean, c’est dépasser les bornes de la raillerie. Le duo de Marinoni et du prince : Je médite un projet d’importance, écrit avec des répétitions burlesque qui rappellent le roi barbu qui s’avance, bu qui s’avance, aurait réussi sans doute aux Variétés. Le chœur des étudiants :
Tout bruit cesse
Le jour fuit
Dans le calme de la nuit.

est le morceau le mieux traité de l’ouvrage, musicalement parlant. Je passe sur la chanson des fous qui n’a ni brio ni élégance.
Le deuxième acte est encore plus faible que le précédent ; à peine peut-on citer une assez mauvaise romance, chantée par le prince : Je ne serai donc jamais aimé pour moi-même : et les couplets de Fantasio : C’est le nouveau bouffon du roi. Dans le troisième acte, la mélodie de la romance d’Elsbeth : Psyché, pauvre imprudente, montre que le musicien fait rentrer dans des moules mélodiques qui lui sont familiers les strophes quelconque de son livret. Quel rapport a cet air à trois temps avec la forme de la strophe formée de vers de six syllabes et de deux syllabes :
Psyché, pauvre imprudente,
Voici
Que ton désir me tente
Aussi ;
Pourtant j’étais heureuse ;
Pourquoi
Suis-je aussi curieuse
Que toi ?

Le duo qui suit entre Fantasio et Elsbeth, et dans lequel revient cette phrase banale sur un temps de valse, que nous avons entendue au premier acte : Regarde-toi, la jeune fille, me remet en mémoire cette situation analogue dans l’opéra de Grétry, où Azor redoute l’effet de sa laideur sur le cœur de Zémire :
Du moment qu’on aime
On devient si doux
Et je suis moi-même
Plus tremblant que vous.

Que de chemin parcouru dans le sens de l’idéal au rebours, de la laideur morale, depuis ce temps ! Cet opéra se termine par la répétition de la ronde des fous :
Le sort des fous est agréable,
Le sort des fous est trop heureux !

Trop heureux, en effet, depuis plus de vingt ans que le fils du chantre de la synagogue de Cologne agite sa marotte et fait pleuvoir les écus dans l’escarcelle des directeurs de spectacle !
Ce n’est pas que Fantasio ait eu du succès à l’Opéra-Comique, mais il n’y a pas d’échec pour M. Offenbach ; les représentations d’un de ses ouvrages à ce théâtre ont indirectement corroboré le genre de l’opéra burlesque qu’il a installé, et l’on fait prendre au sérieux, dans le public léger et frivole qui n’y regarde pas de si près. Le rôle du bouffon a été joué par Mme Galli-Marié ; celui d’Elsbeth, par Mlle Priola ; les autres par Ismaël, Potel, Melchisédech et Mlle Poisset.


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